Mixité sociale dans les jardins partagés : conseils et points de vigilance

Les recherches en sciences sociales se sont multipliées au sujet des jardins partagés ces dernières années sur une question en particulier : est-ce que les jardins permettent à des personnes de milieux sociaux différents de se rencontrer et d’échanger ? L’une des motivations affichées des porteurs de projets en agriculture urbaine – qu’il s’agisse de collectivités, d’associations ou autres – est de fédérer autour d’un même lieu des voisins qui ne se connaissent pas et qui diffèrent les uns des autres par leurs revenus, leurs classes d’âge, leurs genres, leurs origines ethniques, leurs opinions politiques… L’objectif est donc de créer un brassage diversifié, où des individus aux profils sociaux hétérogènes cohabitent et portent un projet collectivement. La pertinence de cette approche fait pourtant débat, certains observateurs mettant en doute la possibilité de créer une véritable mixité sociale, pressentant que ces projets seront toujours accaparés par les catégories sociales dites dominantes, communément désignées comme les « bobos » du quartier.

En tant que chargée de projets d’agriculture urbaine pour la Ville de Gennevilliers et ayant travaillé auprès d’autres collectivités depuis plusieurs années à ce sujet, je me suis fait un avis personnel sur la question et ai mis au point une méthodologie de projet que je souhaite partager. La conclusion que je retire du terrain est la suivante : oui, les jardins partagés peuvent être vecteurs de mixité sociale mais si tel est le but recherché, il y a un certain nombre de facteurs à prendre en compte, tant dans la conception que dans le suivi du projet, et des écueils à éviter. Et même lorsque l’on suit une méthode rigoureuse, il arrive que les processus classiques de communautarisme ou de domination sociale prennent le pas sur le projet.

La méthode que je vais décrire ici peut donc intéresser en particulier les chargés de projet en collectivités, associations ou entreprises, qui développent des jardins partagés. J’ai bien en tête que cette recette de projet ne se suffit pas à elle-même et qu’il s’agit d’un outil évolutif qui subira des adaptations et des modifications en fonction des contextes locaux. C’est pourquoi je suis également preneuse de retours d’expériences d’autres chargés de projets également : n’hésitez pas à commenter en fin d’article !

Pour bien commencer, le diagnostic territorial

Le premier facteur à prendre en compte lors de la conception du projet est l’emplacement du futur jardin partagé. Deux cas de figure sont possibles : soit le lieu est déjà imposé et il va falloir faire un diagnostic territorial du quartier dans lequel il se trouve, soit il faut choisir un emplacement et le diagnostic territorial sera à faire pour les trois ou quatre sites possibles afin de déterminer lequel est le plus approprié. Quoi qu’il en soit, je trouve indispensable de commencer par ce diagnostic qui permet de connaître le contexte géographique, social, économique dans lequel s’inscrira le jardin et donc quelles opportunités ou difficultés ce projet représentera en termes de mixité sociale.

Voici les éléments à prendre en compte lors de son diagnostic :

  • Les types d’habitats : est-ce que le quartier est plutôt pavillonnaire, ou est-ce qu’il est au contraire composé d’immeubles ou de grands ensembles ? Quand l’objectif est bien de favoriser la mixité sociale, l’idéal est de choisir un emplacement à la croisée d’une zone pavillonnaire et de logements collectifs.
  • L’activité économique : est-ce un quartier commerçant ? Y a-t-il des entreprises et des bureaux ? Les usagers du projet peuvent aussi inclure des non-résidents du quartier, un public qui pourra s’investir dans le jardin par exemple sur l’heure du déjeuner ou le soir. Cela sera à prendre en compte lors de la prochaine étape de la concertation publique, où il s’agira de convier tous les potentiels volontaires.
  • La vie de quartier : est-ce que l’emplacement est situé sur une rue passante ? Y a-t-il du monde dans le quartier aux différentes heures de la journée ? Observer la vie de quartier permet d’évaluer si les usagers sont disponibles sur différentes tranches horaires, ce qui pourra servir lorsqu’il faudra s’investir au jardin. L’ouverture sur le quartier sera également plus facile s’il y a du passage et que le jardin est bien visible depuis la rue. Est-ce que le quartier compte une école, un EHPAD ou une autre structure qu’il serait intéressant d’associer au projet ? Rien n’empêche d’aller d’ores et déjà rencontrer les acteurs du quartier pour les sonder et envisager une future collaboration au jardin.

Cette liste est bien sûr non exhaustive, mais elle permet d’évaluer dès la conception du jardin les points forts et les difficultés que le projet pourra rencontrer ou de choisir un emplacement qui favorisera la rencontre d’individus aux profils diversifiés dans le jardin partagé.

Exemple de diagnostic territorial : recherche d’un emplacement idéal pour le jardin partagé du quartier du Fossé-de-l’Aumône à Gennevilliers

Pour illustrer cette méthode du diagnostic territorial, voici celui que j’ai mené dans le cadre de mes missions pour la Ville de Gennevilliers lorsqu’il a fallu choisir un emplacement pour le jardin partagé du quartier du Fossé-de-l’Aumône à partir d’une photographie aérienne.

Les types d’habitat : le quartier comprend à la fois des grands ensemble et une large zone pavillonnaire
L’activité économique : le quartier ne comprend pas ou peu de commerces, mais un établissement médico-social d’insertion (ESAT) qui pourra éventuellement participer à la vie du futur jardin
La vie de quartier : le quartier comprend un grand axe de circulation départemental (en rouge), des petites routes très passantes (en orange) et des cheminements piétons calmes (en vert)

Avec ces éléments, je suis en mesure de délimiter une zone d’emplacement idéale pour l’installation d’un jardin partagé : il s’agit du centre du quartier qui se situe à l’interface des grands ensembles et de la zone pavillonnaire, à proximité de l’ESAT, sur un axe piéton mais à proximité de routes passantes.

Résultat du diagnostic : la zone d’emplacement idéale pour l’installation du jardin partagé se trouve au centre du quartier (rectangle blanc). Une friche municipale se situe justement dans cette zone (flèche verte) et sera aménagée en jardin partagé.

Heureusement pour le projet, un terrain appartenant au patrimoine de la Ville de Gennevilliers se trouvait précisément au sein de cette zone. C’est donc cette friche qui a été aménagée en jardin partagé en concertation avec les habitants du quartier. Le projet bénéficie aujourd’hui d’une mixité sociale intéressante et dynamique.

Le jardin partagé du Fossé-de-l’Aumône aujourd’hui

La constitution d’un groupe hétérogène

Une fois le lieu choisi, il s’agit de faire émerger un premier groupe de volontaires qui souhaitent s’investir dans le futur jardin partagé. Cette étape est cruciale car même si le groupe sera destiné à évoluer par la suite, les premiers rendez-vous de travail constituent souvent des rencontres entre voisins qui ne se connaissent que de vue et qui vont devoir apprendre à gérer ce lieu ensemble.

On commence traditionnellement par organiser une réunion publique, à laquelle on convie tous les potentiels intéressés : habitants, salariés, structures locales, etc. Même si le rendez-vous de la réunion publique est diffusé le plus largement possible (email, affichage, éventuellement courriers ou appels), il faut d’abord avoir en tête que tous les types de publics ne viendront pas à cette première réunion. D’abord parce que tout le monde n’est pas disponible pour y assister, mais aussi parce que se sentir légitime pour venir et donner son avis peut s’avérer difficile pour certains. En parallèle de l’organisation de réunions, il existe d’autres types de méthodes pour attirer des publics plus diversifiés aux concertations publiques, comme celle de la déambulation que j’ai décrite dans un article précédent. Si le projet s’adresse aussi aux non-résidents du quartier, il faudra penser à diffuser l’information des concertations aux commerçants et salariés du quartier.

Pour faire participer les usagers au jardin partagé, une bonne signalétique est aussi indispensable

Lors de ces premières rencontres, quelques personnes se montrent intéressées pour s’investir dans le projet. Leurs motivations varient : jardiner sur leur temps libre, s’alimenter plus sainement, participer à un projet collectif et sortir de son isolement, amener leurs enfants à être davantage en contact avec la nature… Le grand atout des jardins partagés est justement qu’ils attirent spontanément des profils sociaux différents aux attentes hétéroclites, et c’est cette diversité que l’on va tâcher de conserver tout au long de la vie du projet. Parmi les personnes présentes aux concertations publiques, un noyau de 4 ou 5 personnes motivées va se détacher et constituera la base du groupe avec lequel il va falloir poser les bases du futur jardin partagé. C’est à ce moment décisif du projet que les règles de vie au jardin sont fixées : le chef de projet doit guider le groupe vers un idéal commun de partage et d’accueil de tous les publics, dans un esprit de mixité sociale. Pour cela, il explique le principe du jardin partagé (en opposition aux jardins familiaux ou ouvriers par exemple), il insiste sur le fait que les participants ne seront pas de simples voisins mais porteront ce projet et feront vivre le lieu ensemble. Le chef de projet peut ensuite proposer aux participants de se fixer des objectifs communs et de travailler ensemble sur le plan du jardin comme expliqué en détails dans cet article.

A ce stade, je vois deux points de vigilance :

  • lorsque des personnes influentes ou très au fait des actions de quartier font partie du groupe (élus locaux, agents municipaux…), il est nécessaire de veiller à la bonne répartition de la parole et des prises de décision dans le groupe. Le chef de projet a pour charge de bien cadrer les temps de réunions et de garantir que toutes les personnes présentes ont leur mot à dire concernant l’organisation du jardin.
  • les quelques personnes appartenant au noyau de base vont spontanément convier leurs amis et voisins : il faut rester attentif à conserver la diversité des profils sociaux et veiller à ce que le jardin ne réunisse pas simplement une bande de copains qui exclura progressivement les autres. Le chef de projet doit continuer à organiser des temps publics pour faire connaître le jardin et proposer au voisinage d’y adhérer, même après la constitution d’un premier petit groupe. Il doit également veiller à ce que l’adhésion au projet passe toujours par la signature d’un règlement intérieur, ce qui lui permet de garder le fil des inscriptions. Concernant les documents de cadrage à mettre en place dans le jardin partagé dès le démarrage, voir cet article plus détaillé sur le sujet.

Quand le groupe gagne en autonomie, un juste équilibre à trouver dans l’accompagnement du projet

Le projet est lancé, ça y est, les usagers ont pris part à la conception du jardin, en ont suivi l’aménagement, se sont vus déléguer la gestion du lieu et s’y sont installés pour jardiner collectivement et partager de beaux moments (voir ma série d’articles qui présente une méthode d’aménagement des jardins partagés pas à pas). Au fil des mois et des années, le groupe va évoluer : certains vont partir, de nouveaux participants vont se greffer… Cela fait partie de la vie du projet et c’est positif car de nouvelles dynamiques peuvent ainsi émerger au fil de la vie du jardin. Dans un premier temps le chef de projet pourra suivre les départs et les arrivées en faisant signer le règlement intérieur et en rencontrant les nouvelles têtes, et petit à petit le groupe prendra le relais, en particulier s’il se constitue en association.

Attention toutefois aux mécanismes classiques d’exclusion et d’auto-exclusion qui peuvent se mettre en place. Il se peut qu’une personne (ou un groupe de personnes) commence à imposer sa loi et ses façons de faire par exemple en aménageant le jardin à sa façon sans demander l’avis des autres participants, en ne respectant pas les règles de vie et d’usage du jardin, en critiquant le travail fait par les autres, en organisant des événements au jardin sans convier certains membres… Il faut souvent réussir à voir cela comme un processus beaucoup plus large de domination sociale : ce sont des personnes issues de classes sociales dites dominantes sur les plans économiques et socio-culturels qui se sentent suffisamment légitimes pour imposer leur vision des choses au jardin. Cet écueil est à la fois le plus difficile à éviter pour le chef de projet et le plus néfaste car il aboutit à des situations de conflits permanents et au départ de participants qui ne parviennent pas à se faire entendre et qui se résignent à quitter le projet de jardin. La meilleure manière d’éviter cette situation reste d’assurer un suivi tout au long du projet en organisant des rencontres régulières avec tous les membres du jardin et parfois arbitrer certains conflits.

Bien sûr, le chef de projet n’est pas tout-puissant et ne maîtrise pas toutes les interactions sociales qui se déroulent au jardin. Il m’est arrivé de constater que malgré mes efforts, la dynamique d’un projet de jardin partagé que j’avais accompagné restait toujours la même : un petit groupe de quelques personnes dominantes faisait sa loi au jardin au détriment de toutes les autres qui souhaitaient se greffer au projet, moins confortables socialement et économiquement que les premières. Il arrive donc de ne pas parvenir à maintenir l’objectif de mixité sociale et d’entente au jardin. Il peut être sage dans ces cas-là d’étudier la pertinence du projet et de prendre des mesures radicales, comme la fermeture du jardin.

Plus le groupe gagne en autonomie, plus le risque qu’il se ferme à l’adhésion de nouveaux participants est grand. Le rôle du chef de projet devient alors d’entretenir une dynamique d’ouverture du jardin en aidant à l’organisation de portes ouvertes et d’événements festifs qui invitent les voisins à découvrir le lieu et à leur donner l’opportunité de s’investir eux aussi dans le projet. Si le chef de projet assure le suivi de plusieurs jardins partagés, il peut aussi être intéressant de les mettre en réseau notamment lors de trocs de graines, de plants, d’ateliers d’échange de savoirs… 

Les trocs de graines entre jardins partagés permettent de créer du lien et de les dynamiser

Faire le bilan

Lorsque le groupe est autonome, que ce soit 6 mois, 1 an, 5 ans après la création du jardin, je trouve intéressant de faire un bilan : a-t-on atteint l’objectif de mixité sociale ? C’est-à-dire : le jardin partagé accueille-t-il des publics diversifiés autant par leurs âges, leurs genres, leurs niveaux de revenus, leurs origines ethniques, leurs provenances socio-culturelles ? A-t-il permis l’émergence de discussions et de débats sur des sujets de société, a-t-il favorisé des pratiques de collaboration et d’entraide ? Les projets de jardins partagés peuvent être de formidables outils pour favoriser le dialogue entre des individus de milieux sociaux très divers.

Lorsque le jardin partagé accueille un vrai brassage social, on assiste à des moments inédits d’échange qui ne trouveraient pas leur place autrement. Il est par exemple arrivé lors d’une réunion avec le groupe d’un jardin partagé que s’engage une discussion spontanée sur le port du voile. Un sujet particulièrement difficile à aborder sereinement dans le cadre de réunions publiques formelles ou même dans la vie de tous les jours et pourtant l’ambiance du jardin, le fait que toutes les personnes présentes se connaissent et portent un projet commun ont permis d’ouvrir ce débat sans heurt. Chacun et chacune a pu s’exprimer sur le sujet, les avis différaient mais l’échange était bel et bien au rendez-vous. C’est pour cette raison que je crois en la capacité des jardins partagés de créer une véritable entente sociale de quartier, à condition de garantir l’accueil de toutes et de tous dans le projet.

L’esprit de résistance des Jardins des Vertus d’Aubervilliers

En contrebas du Fort d’Aubervilliers, au pied de grands ensembles et à l’intersection de trois communes franciliennes (Aubervilliers, Bobigny et Pantin) se trouve une oasis : les jardins familiaux d’Aubervilliers, où des dizaines d’habitants des alentours cultivent leurs fruits et légumes. Depuis 1935, l’association des Jardins des Vertus gère 2600 m² de terre, répartis en 85 parcelles. L’accès aux lieux est réservé aux adhérents et à leurs invités : il ne s’agit pas de jardins partagés ouverts sur la rue tels qu’on les voit aujourd’hui en centre-ville, les Jardins des Vertus appartiennent au genre des « jardins familiaux ». Hérités d’un engouement né il y a 150 ans en pleine industrialisation des sociétés occidentales, ils représentent encore l’esprit de liberté et d’émancipation qu’on leur attribuait alors.

Des jardins ouvriers aux jardins familiaux

C’est à partir de la seconde moitié du 19e siècle que les bienfaits du travail de la terre sont vantés à la fois par les sociétés de bienfaisance chrétiennes, la doctrine terrianiste et l’éthique paternaliste des patrons de l’époque. On s’accorde à penser que les ouvriers citadins de la Révolution industrielle ont besoin d’un espace autre que leurs logements pour leurs loisirs et participer à la subsistance de leurs familles : des parcelles de jardins. Mis à disposition des patrons qui y voient une opportunité d’occuper les ouvriers pendant leur temps libre et les empêcher de consacrer du temps à fomenter des actions collectives qui mettraient à mal la hiérarchie, les parcelles de jardins à destination des ouvriers se développent rapidement.

Plan des parcelles des jardins familiaux

L’expression de « jardins ouvriers » apparaît en 1890 pour désigner ces grands espaces de cultures divisés en parcelles rectilignes. Il s’agit à la fois d’une pratique individuelle de jardinage (chaque jardinier dispose de sa propre parcelle) et d’une gestion collective (ces parcelles sont situées dans un espace partagé, souvent géré par une association). La Ligue du Coin de Terre et du Foyer, qui joue alors le rôle de fédération des jardins ouvriers, recense en 1912 plus de 18 000 jardins. L’entre-deux guerres est une période décisive dans le développement des jardins ouvriers, où l’on dénombre 47 000 jardins en 1920 et jusqu’à 75 000 jardins en 1938. L’arrivée de la seconde guerre mondiale et les difficultés d’approvisionnement des villes en denrées alimentaires accroissent encore l’intérêt des citadins pour ces jardins : on arrive à la fin de la guerre à 250 000 jardins ! Ce nombre décline durant les décennies suivantes avec la construction de nombreux logements en zones périurbaines qui grignotent progressivement les terrains des jardins ouvriers.

Grands ensembles et agriculture : la recette des jardins familiaux

Marquée par le paternalisme patronal de ses origines et le parrainage du Régime de Vichy pendant la guerre, l’expression de « jardins ouvriers » est peu à peu remplacée dans les années 1950 par celle de « jardins familiaux ». Toujours utilisé aujourd’hui, le terme désigne ces grands espaces de cultures généralement en zone urbaine ou péri-urbaine divisés en parcelles individuelles. Chaque famille possède un bout de terrain qu’elle est tenue d’entretenir et pour lequel elle paye une redevance. Ces jardins sont donc très différents des jardins partagés en cœur de villes, à la fois par leur gestion et par la surface des cultures. Fiers de ce patrimoine vert, les quelques 800 associations de jardins familiaux existant aujourd’hui doivent défendre leurs vertus environnementales, sociales et pédagogiques pour survivre aux projets d’aménagement du territoire.

Les Jardins des Vertus

Un jardinier dans sa parcelle

Aux Jardins des Vertus d’Aubervilliers, les parcelles attribuées aux jardiniers sont grandes : entre 200 et 300 m² pour la plupart. Chaque parcelle dispose d’une cabane, souvent construite de bric et de broc et évoluant selon les envies des propriétaires successifs. Les parcelles sont délimitées par des clôtures avec portillons donnant sur l’allée commune. A la fois par les types de cultures qui y sont pratiqués et par l’aménagement des espaces, on remarque rapidement que toutes les parcelles sont différentes : certaines ressemblent à de véritables exploitations agricoles, bien organisées en lignes et minutieusement désherbées, alors que d’autres sont plus sauvages et allient la culture de comestibles avec des fleurs et des espaces en friches. Les adhérents sont tenus d’entretenir leurs parcelles, de risque de se les voir réattribuer par le bureau de l’association à de nouveaux adhérents plus motivés.

L’ambiance est paisible et familiale au Jardin des Vertus. Chacun s’occupe de son terrain, souvent avec des membres de la famille qui viennent aider ou se détendre. Les relations entre les jardiniers se résument la plupart du temps à des saluts cordiaux mais il arrive que des événements soient organisés sur la parcelle de l’association, c’est-à-dire un espace réservé aux petites fêtes et barbecues.

Selon la thèse menée au début des années 2000 par Françoise Dedieu, la plupart des adhérents vivent en appartement aux alentours. Les plus de 60 ans sont largement majoritaires, souvent retraités de métiers d’ouvriers ou d’employés. Autre caractéristique marquante des jardiniers : ils ont des origines culturelles très diversifiées. Marocains, Sénégalais, Chinois, Portugais, Espagnols, Italiens… Cette mixité transparaît dans ce que les jardiniers cultivent, chacun amenant de son pays d’origine des fruits et légumes typiques.

Un patrimoine menacé ?

Ces jardins ont bien de nombreuses vertus : ils permettent aux personnes isolées de sortir de chez elles et de rester actives, ils favorisent l’échange entre des voisins qui ne s’adresseraient peut-être pas la parole autrement et ils apportent une qualité paysagère et environnementale indéniable à ce contexte urbain. Pourtant, les jardiniers d’Aubervilliers sont régulièrement menacés par de nouveaux projets d’aménagement. Dernière inquiétude en date : le réaménagement du Fort d’Aubervilliers dans le cadre de la construction du Grand Paris.

Les Jardins des Vertus se situent entre deux chantiers majeurs du Grand Paris : d’un côté le prolongement de la gare du Fort d’Aubervilliers qui accueillera la ligne de métro Grand Paris Express à l’horizon 2025, de l’autre le réaménagement complet du Fort d’Aubervilliers notamment par la construction d’un écoquartier. Le chantier permettant d’accueillir la nouvelle station de métro a déjà démarré, et il implique d’ores et déjà de supprimer une partie des parcelles des Jardins des Vertus situées sur l’une des bordures extérieures. L’écoquartier, lui, a été conçu dans le cadre d’une concertation publique qui prévoit la préservation des jardins familiaux. Seulement, il est maintenant question de « désenclaver » l’écoquartier du Fort d’Aubervilliers en le reliant à la gare de métro de la future ligne 15 : comment passer outre les jardins familiaux qui sont précisément à cet emplacement ?

Les jardins familiaux sont pris en tenaille entre l’aménagement de la ligne 15 (emprise en contour bleu en haut de l’image) et l’écoquartier (emprise en vert et jaune)

Les jardiniers inquiets ont commencé à organiser leur action : il n’est pas question pour eux de laisser disparaître peu à peu leurs parcelles de jardins familiaux, patrimoine historique et social d’Aubervilliers, au profit de nouvelles installations. Reste à savoir si leurs voix continueront d’être entendues par les aménageurs du Grand Paris.

Comment créer mon jardin partagé ? (3/3) : La vie au jardin

Enfin ! Vous avez le lieu, vous avez le groupe, vous allez pouvoir entrer au cœur du projet !

On peut vite se retrouver déstabilisé face au nombre de choses à mettre en place dans un jardin partagé, ce petit guide vous permettra de ne pas oublier les essentiels.

Cultiver

Un jardin partagé ça sert à beaucoup de choses, mais ça passe d’abord par des cultures. Si vous commencez à vous y mettre au printemps il y aura bien plus de travail à engager qu’en plein hiver. Pour vous aider là-dessus et programmer vos premiers semis, je vous invite à consulter ce très bon calendrier des cultures de la Ferme de Sainte Marthe.

La clé pour les jardiniers débutants est de commencer par ce qu’il y a de plus simple. Si le temps vous le permet, commencez par planter des radis, des courgettes, des salades, des aromatiques (basilic, thym, ciboulette…). Selon la variété on privilégiera des graines à semer en petits godets, directement dans votre potager ou bien des petits plants à acheter prêts à être enterrés. Vous trouverez énormément d’aide dans la littérature ou sur Internet pour vous accompagner étape par étape et vous donner un peu plus confiance (un exemple ici). Mieux encore, appuyez-vous sur les participants du jardin qui auront sûrement des savoir-faire ou faites appel à vos proches qui sont déjà bien avancés dans l’art du jardinage.

Si vous le pouvez, essayez de favoriser l’utilisation de semences biologiques, non-hybrides F1 et dites libres de droit : contrairement aux semences distribuées par les géants de l’agroalimentaire comme Monsanto, celles-ci participeront à la biodiversité de votre jardin et vous pourrez en plus récupérer vos graines en fin de saison pour les utiliser l’année d’après (plus d’infos à ce sujet ici). Pour cela, fournissez-vous auprès de Kokopelli ou Germinance par exemple.

Jardinage collectif au 56 Saint Blaise, à Paris

Arroser

La clé pour l’arrosage dans un jardin partagé, c’est l’organisation. Généralement, on s’arrange entre jardiniers pour établir un planning : qui arrose, quel jour, quelles parties du jardin ? Un élément essentiel lorsque l’été arrive et que l’arrosage tous les soirs devient indispensable. Attention en particulier aux vacances d’été ou les absences de chacun peuvent mettre à mal une bonne partie des récoltes…

Répartition de l’arrosage dans un jardin partagé

Vous pouvez par exemple afficher un plan du jardin avec toutes les parcelles et désigner des jardiniers responsables de l’arrosage pour parcelle. Ou alors vous décidez que tous les soirs, un ou deux participants font la corvée d’arrosage pour tout le monde. L’essentiel est d’avoir un petit document que chacun peut voir, au jardin ou sur Internet, qui garantit que vous aurez bien des récoltes.

Pour d’autres idées d’outils de communication au sein du groupe, vous pouvez écouter les conseils d’Amandine, du Jardin des coopains à Paris ici.

Composter

Si vous jardinez dans le souci d’une bonne gestion écologique, vous passerez inévitablement par la mise en place d’un compost. Le compost est le résultat de la dégradation des matières organiques par l’action de l’air et de bactéries, champignons et de la micro-faune. Il permet d’amender le sol du jardin, c’est-à-dire le rendre plus fertile, plus vivant. Il existe de nombreuses façons d’utiliser le compost (cultures en lasagne, keyholes…) mais le plus classique reste de mélanger du compost à de la terre pour de la culture en bacs, ou bien de l’épandre directement au sol si vous avez des parcelles en pleine terre.

La bonne nouvelle c’est que pour obtenir du compost frais, gratuit et de bonne qualité, vous avez déjà tous les ingrédients essentiels : vos déchets de jardin (broyat, petits branchages, paille…) et de cuisine (épluchures de légumes, marc de café avec son filtre, sachets de thé…). Si vous démarrez un compost à plusieurs participants, il vaut mieux vous en tenir à ces éléments les plus simples. Une fois que vous serez plus aguerris dans la gestion du compost, vous pourrez ajouter d’autres types d’aliments, comme des restes de repas par exemple.

Exemples de composteurs

Vous devez d’abord avoir un composteur à disposition. Il s’agit d’un grand bac avec une trappe sur le dessous qui permet de récolter le compost une fois mûr. Renseignez-vous auprès de votre collectivité ou du syndicat des déchets auquel votre commune appartient, il arrive très souvent que l’on puisse en obtenir un gratuitement. Cela vaut également pour les bioseaux, ces petits seaux verts qui permettront à chacun de stocker les déchets de cuisine avant de les amener au compost.

Ensuite, décidez collectivement du mode de gestion du compost (accès libre ou contrôlé, nomination d’un référent pour surveiller l’état du compost, quelle utilisation au jardin…). Attention aux trois règles d’or indispensables pour que le compost en devienne vraiment un et ne soit pas abandonné à l’état de poubelle :

  • Tous les apports doivent être suffisamment petits pour être compostés par les micro-organismes. Lorsque vous mettez une pomme, il faut au moins la découper en quatre morceaux. Lorsque vous mettez des branchages, fractionnez-les en petits tronçons. Pensez aux bactéries et aux vers qui doivent décomposer la matière, facilitez-leur la tâche ou votre compost mettra des années à se faire !
  • Lorsque vous apportez vos déchets de cuisine dans le composteur, mélangez toujours avec la même quantité de matières dites « sèches » (broyat, branchages…). Inutile de remuer tout le compost à chaque fois, mélangez simplement à l’aide d’une petite griffe tous ces nouveaux éléments sur le dessus. Autrement vos déchets vont simplement macérer et seront trop humides pour être décomposés, et vous finirez sans compost et avec une odeur bien déplaisante…
  • Ni trop humide, ni trop sec. Lorsque vous serrez dans votre poing le compost, il doit être légèrement humide mais ne doit pas goutter. Si votre compost est très humide, ajoutez du carton ou du broyat pour absorber l’excès d’eau. Dans le cas d’une grande sécheresse au contraire n’hésitez pas à arroser.
Un compost bien vivant

Si vous faites des apports fréquemment (pensez à vider votre bioseau une fois par semaine chacun, toujours en mélangeant avec cette fameuse matière sèche pour équilibre le tout), vous obtiendrez au bout de quelques mois un beau compost bien noir, vivant, qui a la même odeur que le sol humide de la forêt. Reste simplement à l’utiliser le plus possible au jardin et vous assurez la pérennité de vos cultures.

Récolter

Après tout ce travail, vous allez enfin pouvoir récolter ! Que vous ayez prévu de répartir les récoltes ou de les utiliser pour un repas partagé, ce moment est un accomplissement pour le groupe et votre projet, surtout la première année. Vous vous êtes lancés, il y a sans doute eu des loupés, mais ça y est vous pouvez déguster le fruit de vos efforts !

C’est la période idéale pour se retrouver autour d’un moment festif au jardin et de parler de vos projets pour la suite de la saison.

S’ouvrir

Votre lieu et vos expériences peuvent se partager avec les écoles

Quel que soit le stade où en est le jardin, il est toujours intéressant  de laisser la porte ouverte pour les curieux qui voudraient jeter un œil. Cela permet des échanges, des rencontres et parfois de nouvelles recrues viennent prendre part au projet elles aussi. L’organisation d’événements permet aussi de s’ouvrir sur le quartier : une inauguration peut être une première idée pour se familiariser avec vos voisins et leur expliquer votre démarche.

A mesure que vous vous sentirez plus à l’aise dans votre gestion du jardin, vous serez peut-être amenés à partager ce lieu et vos connaissances avec de nouveaux acteurs. La demande peut venir d’écoles, de centres de loisirs, d’associations de quartiers… Vous pouvez alors décider collectivement d’un nouveau mode d’organisation : est-ce que vous organiserez des visites ponctuelles du lieu ? Ou est-ce que vous leur confierez un bout de jardin ? Serez-vous volontaires également pour accueillir des événements n’ayant rien à voir avec le jardinage, comme des ateliers de couture ou de bricolage, des projections, des conférences ?

A ce stade, votre jardin partagé est créé et fonctionnel. Mais il y a toujours énormément d’opportunités pour le renouveler et y associer de nouveaux usages ! Ne vous privez pas d’imaginer de nouveaux projets au fil du temps pour en faire un espace ouvert, mouvant et vivant.

Comment créer mon jardin partagé ? (2/3) : Le groupe

Un lieu seul, si beau soit-il, ne suffirait pas à créer un jardin partagé. La véritable essence du projet est bien sûr le groupe de personnes mobilisé autour de cet espace commun. L’essentiel pour que tout se passe bien étant de poser des règles de vie communes assez tôt.

Recruter les participants

Avant même de faire les premiers semis, les collectivités ou les bailleurs encouragent les volontaires à se manifester pour prendre part au projet de jardin et à construire ensemble leur mode de fonctionnement. Certaines mairies demandent même à ce qu’une association soit déjà constituée pour donner accès aux lieux. Une phase qui peut s’avérer longue et laborieuse pour de habitants qui ne se connaissent pas !

Premiers temps de rencontres entre les participants

La première étape est donc l’appel aux volontaires. Peut-être que le propriétaire du terrain (collectivité ou bailleur) s’en chargera via ses outils de communication ou que quelques habitants porteurs du projet seront missionnés pour passer le mot aux voisins des résidences alentours. Dans tous les cas, il y aura une première rencontre qui sera pour chacun l’occasion de se faire une idée du projet, des personnes impliquées et de décider si cela correspond ou non à ses attentes.

A partir du moment où un petit groupe de personnes est mobilisé (généralement autour de 10 ou 15 habitants du quartier), il est primordial d’aborder ensemble la question des motivations. Que cherchez-vous dans ce projet ? Un lieu pour jardiner, discuter, faire connaissance, organiser des moments festifs ? Comment l’imaginez-vous, aujourd’hui et plus tard ? Toutes ces questions permettront déjà de mieux connaître les personnes en face de vous, repérer les affinités ou les points de désaccord qui pourraient émerger, mais surtout de commencer à esquisser un lieu qui vous donne envie.

Dessiner le jardin collectivement

Il est maintenant temps de se mettre autour d’une table et de parler de l’aménagement de votre futur jardin. Munissez-vous d’un plan sur lequel vous pouvez vous appuyer pour réfléchir collectivement. D’abord, il est essentiel de prendre en compte les installations présentes sur le site et les aménagements qui sont envisagés par le propriétaire du terrain : où se trouve le point d’accès à l’eau ? Y a-t-il un lieu de stockage du matériel ? Une serre pour les semis ? Existe-t-il une ou plusieurs entrées sur le terrain et faut-il privilégier tel ou tel cheminement ?

Une fois ces premiers éléments fixés sur le plan, il est temps de parler de l’emplacement des parcelles de culture. Que ce soit dans le cas de parcelles individuelles (chacun jardine sur sa propre parcelle), un système entièrement collectif (tout le monde jardine sur toutes les parcelles), ou une organisation hybride (en plus de parcelles individuelles, une grande parcelle collective est entretenue par tous), il va falloir s’organiser. Si la collectivité est fortement impliquée dans le projet, elle peut vous soumettre différents cas de figure ou faire un certain nombre de choix pour vous. Mais l’essentiel pour vous, en tant que groupe d’habitants qui portera le projet, est d’évoquer toutes ces questions ensemble pour se mettre d’accord sur les grandes lignes du fonctionnement du jardin.

Dessin collectif du futur jardin

Cette phase de co-construction du projet est l’une des plus délicates, car il faudra simultanément apprendre à se connaître entre participants, prendre en compte les volontés individuelles et s’accorder sur une démarche collective et des règles de vie qui l’accompagnent. Si vous ne bénéficiez pas d’accompagnement par la collectivité ou le bailleur, il est possible de demander à faire appel à des structures extérieures qui accompagnent ce type de projets. En Île-de-France, l’association Graine de Jardins propose depuis plusieurs années de suivre la création et la gestion de nouveaux jardins partagés. Si vous souhaitez plutôt concevoir le jardin à l’aide d’une méthode de design en permaculture, votre choix pourra se porter sur l’association Urbanescence, spécialiste de ces questions. Ces prestations ayant un coût, c’est généralement le propriétaire du terrain qui accepte ou non d’investir dans ces solutions.

Vers l’association et l’auto-gestion

Au terme de ce travail et de ces temps d’échanges, le groupe aura déjà changé. Certains se seront désistés, d’autres auront trouvé leur place au sein du « noyau dur », et vous aurez peut-être aussi de nouvelles têtes à inclure dans le projet. A l’issue de la phase de réflexion sur l’aménagement du jardin, vous aurez ainsi une composition assez fidèle de ce que sera votre groupe de participants. Généralement, c’est le moment où on signe un règlement intérieur : les signataires de ce document constituent le groupe mobilisé autour du jardin, au moins pour un temps.

L’important est de formaliser cette composition du groupe, de préférence par la mise en place progressive d’une association. La constitution en association peut intervenir à tous moments de la vie du jardin partagé (quelques semaines, mois, un an) et a plusieurs vertus : elle permet de parler de façon régulière des problématiques du jardin et d’attribuer à chacun une ou plusieurs responsabilités pour les gérer. Un.e président.e, un.e secrétaire, un.e trésorier.e… Tous ces rôles et surtout les discussions autour de ces rôles doivent permettre à chacun de prendre sa place, de formaliser auprès des autres son investissement et de répartir les tâches en cas de problème dans le projet commun, mais aussi pour construire de nouveaux défis pour le jardin (participation à des appels à projets, organisation d’événements, nouveaux aménagements, etc.) sur la durée. Certains jardins partagés font le choix de présidences tournantes ou d’un mode de gouvernance horizontal plutôt que pyramidal. Toutes les formules sont valables, à partir du moment où elles permettent de parler de l’avenir du jardin et du rôle que chacun souhaite avoir !

Et, point non négligeable, la constitution en association vous permettra d’être beaucoup plus indépendant vis-à-vis du propriétaire du terrain, que ce soit une collectivité ou un bailleur. Comme évoqué dans l’article consacré à la gestion du lieu, vous pouvez en tant qu’association avoir la preuve de votre occupation légitime du site via la signature d’une convention de mise à disposition du terrain, ce qui vous donne davantage de garanties juridiques. La constitution en association permettra par ailleurs de toucher des subventions diverses (renseignez-vous auprès de la Ville, de la Région, de certaines Fondations) et de vendre des produits pour réinvestir dans du petit matériel ou de nouveaux aménagements.

La constitution d’une association permet au groupe de s’autonomiser © Le Jardin des Coopains

Comment créer mon jardin partagé ? (1/3) : Le lieu

Si vous n’avez pas été sollicité directement par votre mairie, bailleur ou une association de quartier pour participer à la création d’un jardin partagé et que vous souhaitez prendre les devants, la première étape est de trouver un lieu pour votre projet. Avant toute démarche auprès de vos voisins ou de la commune, il vaut mieux avoir déjà repéré un terrain viable, qui dispose des qualités requises pour en faire un espace d’agriculture urbaine. Lorsque vous solliciterez le propriétaire, vous faciliterez ainsi l’avancée du projet en ayant recueilli les informations nécessaires à la mise en œuvre et apparaîtrez d’autant plus sérieux dans votre démarche.

Repérer un terrain viable

Une friche en centre-ville

Commencez par vous balader dans votre ville ou votre quartier et essayez de trouver des espaces vacants, qui ne servent ni de lieu d’habitation, ni de siège à une quelconque structure et qui semblent inoccupés. Le but étant de trouver un terrain suffisamment grand, sans occupant et donc potentiellement disponible pour accueillir votre projet. Ces friches deviennent rares dans des contextes urbains très denses, mais on a parfois de belles surprises en fouillant un peu ! Attention toutefois aux indices qui laisseraient penser que le terrain est déjà réquisitionné en vue d’un chantier (panneaux de permis de construire, délimitations au sol…).

Il est également possible de s’intéresser aux espaces verts situés en pied de votre immeuble. Quelques pelouses qui servent davantage aux chiens durant leurs promenades qu’aux habitants eux-mêmes peuvent souvent s’avérer de très bons espaces pour installer quelques bacs pour jardiner.

Dans tous les cas, pensez d’ores et déjà à vérifier que le terrain est suffisamment exposé (plutôt le matin ou l’après-midi ? Une partie de la surface reste-t-elle à l’ombre en permanence ?). Vous auriez des difficultés à aménager un jardin partagé dans un lieu qui ne bénéficie qu’une heure ou deux d’ensoleillement par jour. Faites-vous également une idée de la qualité du sol : est-ce de la terre ? Du gravier ? Une dalle ? Est-ce que cultiver en pleine terre pourrait être envisageable ou s’agira-t-il d’un projet hors-sol, avec des bacs par exemple ?

Plus important encore : est-ce que vous imaginez votre projet sur ce terrain ? S’il y a déjà quelques comestibles comme des arbres fruitiers, cela peut être encourageant. Ne vous laissez pas décourager par les hautes herbes et prenez le temps de dessiner mentalement votre jardin…

Exemple de transformation d’une friche à Gennevilliers (92)

Amorcer les démarches administratives

Une fois que vous avez un lieu en tête, renseignez-vous sur son propriétaire : est-ce que le terrain appartient à la mairie ? Une autre collectivité ? Un bailleur ? Une structure qui possède du patrimoine urbain, type EDF ou SNCF ? Cette donnée va rapidement déterminer si oui ou non vous pouvez imaginer votre projet. Il est possible de contacter votre mairie pour avoir des renseignements sur le cadastre ou tout simplement demander aux voisins qui auront peut-être l’information. Une fois le nom du propriétaire en poche, il est temps de le contacter. Lorsqu’il s’agit d’une collectivité ou d’un bailleur social, vous serez souvent orienté assez rapidement sur la personne-ressource qui pourra répondre à vos questions et qui sera la première à informer de votre projet.

C’est le propriétaire du terrain qui discutera avec vous des aménagements à penser sur le site : y a-t-il un point d’eau ou faut-il en installer un ? Est-il nécessaire de faire analyser la terre et de mesurer la pollution du sol ? Faut-il acheter une cabane à outils et du matériel, et si oui le propriétaire peut-il en assumer la charge financière ? Ces considérations détermineront sûrement la faisabilité du projet et le propriétaire du site pourra vous donner une réponse définitive pour mettre en route (ou non) le jardin partagé. A ce stade, le plus dur est fait !

Bon à savoir : Certaines collectivités s’engagent à aménager les sites de jardins partagés « clés en main » et prennent en charge les gros travaux (décaissement du sol, apport de terre végétale, branchement au réseau d’eau…). S’il existe déjà un certain nombre de jardins partagés à l’endroit où vous vivez, il y a de fortes chances pour que ce soit le cas ! Renseignez-vous auprès des outils de communication de la collectivité (site Internet, journal local…).

Un lieu que vous pourrez investir… sous conditions

Une fois que vous avez l’autorisation de créer votre jardin partagé sur ce lieu, n’oubliez pas que vous devrez respecter certaines règles fixées par le propriétaire. Généralement, la formalisation de ces règles se fait via la signature d’un règlement intérieur. Selon les cas, il sera rédigé uniquement par le propriétaire ou en concertation avec les participants du jardin partagé. L’important est de déceler dans ce règlement ce qui devra être pris en compte dans vos modes d’organisation au jardin. Comme critères récurrents on peut évoquer :

  • l’interdiction d’allumer des feux (pensez à bien préciser avec le propriétaire les conditions pour les barbecues… cela pourrait vous intéresser une fois l’été arrivé),

    Jardin en bacs en pied d’immeuble
  • les horaires d’ouverture et l’interdiction de gêner le voisinage : généralement interdit d’accès la nuit, voyez avec le propriétaire si vous pourrez obtenir dérogation lors de l’organisation d’événements festifs, par exemple,
  • l’obligation de cultiver les comestibles en bacs : si le propriétaire suspecte que la terre est polluée, il peut exiger que vous cultiviez des comestibles uniquement hors-sol, c’est-à dire dans des bacs remplis avec du terreau et non pas à même la terre. Il peut également décider de mener des travaux pour importer de la nouvelle terre sur place et vous laissent planter directement au sol.

Si vous êtes constitués en association, vous serez sans doute amenés à signer un second document : il s’agit de la convention de mise à disposition du terrain. C’est le seul papier qui atteste de votre droit d’occuper le site. Selon les propriétaires, la signature de ce document peut être une condition sine qua non pour que vous puissiez avoir accès au terrain (auquel cas vous devrez vous constituer en association avant même de jardiner), ou elle peut être signée plusieurs mois, voire années après le début du projet. Tout dépend de la flexibilité et de la réactivité de votre interlocuteur ! La convention de mise à disposition pose elle aussi quelques conditions à respecter, mais celles-ci relèvent généralement du bon sens : gestion des clés, accès au site, travaux, etc.

Tout au long de la vie de ce jardin partagé, il faudra garder en tête que ces règles sont la garantie pour le propriétaire que vous êtes en mesure de gérer de façon responsable son terrain… et qu’il peut vous laisser organiser la vie au jardin comme vous l’entendez !

Après le Jardin solidaire, place au Jardin sur le Toit !

Lors d’un précédent article, je racontais l’émergence, la vie et la disparition d’un Jardin Solidaire (Paris 20e) unique en son genre, à l’occasion de la parution du livre de son créateur Olivier Pinalie. A partir de 2005, après plusieurs années d’occupation de cette grande friche par les habitués et les habitants du quartier, la mairie finit par reprendre possession de la parcelle dans le cadre d’un projet de construction d’un gymnase.

Un compromis semble être trouvé : le toit du gymnase sera aménagé pour accueillir un jardin partagé, auquel les occupants du Jardin Solidaire pourront prendre part. Mais ceux-ci regrettent la reprise institutionnelle de leur démarche et préfère se dessaisir du projet. La construction poursuit malgré tout son cours : en 2009 ce gymnase végétalisé sort de terre. Environ 600 m² de bacs cultivables sont disponibles sur le toit, auquel on accède depuis la rue par un petit escalier et un ascenseur. Une oasis insoupçonnable, dans ce quartier pauvre en espaces verts !

Une co-gestion associative

Pour animer ce nouveau jardin, la Ville en confie la gestion à l’association Arfog-Lafayette. Cette association est notamment à l’origine des Jardins du Béton, un programme qui propose depuis 1999 de contribuer à la réinsertion sociale de personnes isolées par la pratique collective du jardinage. Grâce à l’embauche d’une animatrice à plein temps, de nombreux ateliers se mettent en place pour faire vivre le jeune Jardin sur le Toit, à destination des adultes, scolaires, instituts médico-éducatifs et aux résidents de maisons de repos. Lieux de mixité sociale et intergénérationnelle, ces activités organisées par l’association rassemblent des dizaines de participants.

Valérie Navarre, coordinatrice des Jardins du Béton, explique que « les personnes ont souvent des a priori tenaces, elles imaginent qu’elles vont avoir à faire à des gens sortant de prison… Réunir différents publics autour d’activités communes permet aussi de casser des préjugés ». En plus d’éveiller les consciences sociales et écologiques, l’association amène les usagers à découvrir les bienfaits d’une alimentation variée et équilibrée : des repas collectifs sont cuisinés à partir des récoltes et dégustés dans le local de l’association attenant au gymnase.

Responsable du Jardin sur le Toit pendant la semaine, Arfog-Lafayette passe le relais de sa gestion à une association d’habitants du quartier le week-end : le collectif du Jardin Perché organise lui aussi des événements autour du jardin et joue un rôle essentiel dans l’entretien des parcelles, particulièrement lors des vacances scolaires. Portes ouvertes, rencontres, bricolage à partir de matériaux de récupération sont organisés sur le toit du gymnase pour inciter les nouveaux-venus à découvrir le lieu.

Le Jardin sur le Toit a trouvé sa place

Le site présente de nombreuses contraintes, notamment à cause de son exposition permanente au soleil et au vent. Les jardiniers ont compensé la chaleur provoquée par la réverbération de la lumière par la construction collective d’une pergola qui permet de s’abriter, en particulier lors de la période estivale. Le lieu est peuplé des nombreux ajouts des écoles et des jardiniers : épouvantail, hôtels à insectes, bancs, etc. Les usagers se sont appropriés le lieu : depuis 2009, les parcelles ont changé, les cultures et les pratiques varient, jusqu’à la mise en place d’espaces d’expérimentations en permaculture.

Ce n’est plus le projet éco-citoyen et auto-géré lancé par Olivier Pinalie, mais le Jardin sur le Toit a trouvé sa vocation et constitue un vrai lieu de rassemblement pour ses différents publics. Le projet est financé et porté par la mairie, mais ce sont les associations locales qui font la différence par leur capacité à rassembler des participants et à créer du lien entre eux. Sur les vestiges du Jardin Solidaire, on assiste au passage à une nouvelle époque pour les jardins partagés, reconnus d’utilité publique par les collectivités et davantage institutionnalisés. Mais ils n’en perdent pas pour autant leur caractère spontané dans les choix quotidiens des usagers.

Crédits : Arfog-Lafayette, Kiagi

« Chronique d’un jardin solidaire », le témoignage éclairant d’Olivier Pinalie

Dans le milieu parisien des amateurs d’agriculture urbaine, un jardin est souvent évoqué comme modèle : le Jardin Solidaire. Ce lieu de convivialité, installé sur une friche de 3 000 m² du 20e arrondissement et aujourd’hui disparu, résonne encore par son originalité, son anti-conventionnalité et l’inspiration de son créateur Olivier Pinalie. Lorsque ceux qui ont connu et participé à la construction de cet espace prennent la parole, on peut encore sentir l’enthousiasme qui les a animés durant les cinq ans d’existence du jardin (2000-2005).

Alors pour raconter au mieux l’histoire du Jardin Solidaire plus de dix ans après sa disparition, Olivier Pinalie a décidé de reprendre les notes de son journal et de les assembler en chronique. L’ouvrage, paru en septembre 2016 aux éditions CNT-RP, retrace mois après mois les évolutions du projet. Malgré le style parfois grandiloquent de l’auteur, on suit avec curiosité la naissance et la vie de ce jardin unique en son genre.

Un « laboratoire de brassage vivant »

Lorsqu’il décide de s’emparer de l’immense terrain vague à proximité de son atelier de plasticien, Olivier Pinalie a avant tout l’objectif de se faire plaisir, de se laisser porter par cet entrain qui promet d’embellir son quotidien et celui de ceux qui voudront bien se joindre à lui. Armé de quelques outils et d’une volonté impressionnante, il réussit à s’entourer des jeunes qui ont élu domicile sur cette friche, puis de parias du quartier pour qui un espace libre et ouvert est l’opportunité de s’offrir une nouvelle sociabilité et de participer à un projet collectif valorisant. L’auteur ne manque pas de décrire les conflits et les difficultés rencontrées avec le voisinage, mais au fil des mois le nombre d’habitués grandit et les activités se diversifient sous leur influence : au-delà du jardinage, certains habillent le lieu de sculptures réalisées à partir de matériaux de récupération, d’autres décident de donner des cours de soutien scolaire aux enfants qui ne manquent pas une occasion de venir jouer sur le terrain… Bientôt, des projections de films ameutent des centaines de personnes dans l’un des quartiers de Paris les plus pauvres en espaces verts et en animations culturelles.

A l’heure où on se demande si les jardins partagés sont porteurs de mixité sociale, la chronique d’Olivier Pinalie apporte un éclairage rafraîchissant : dans un quartier où des populations très diverses se croisent sans jamais se rencontrer, chacun a trouvé au sein du Jardin Solidaire une bonne raison de s’investir et de se lier avec les autres occupants du lieu. Et pour cause, « il ne suffit pas seulement que [le jardin] soit ouvert à tout le monde, il faut encore intéresser les visiteurs avec un projet original ». Le jardin partagé est dans ce cas-là un formidable lieu d’expression et doit nécessairement proposer d’autres portes d’entrées que celle du jardinage. 

Est-il possible pour le « seul jardin sans gardien » de rester indépendant ?

L’existence de ce jardin est en soi un acte de résistance : contre la gentrification des quartiers populaires, les réaménagements urbains, l’abandon de l’espace public par les habitants… Quand on comprend ces motifs, la volonté de la Ville de Paris de reprendre la main sur cette friche et les activités qui y fleurissent paraît bien vaine. Et c’est un bras de fer entre la mairie et les occupants illégaux qui s’amorce et qui dure plusieurs années, sans issue apparente. D’un côté la méfiance de cette effervescence populaire incontrôlée qu’il faudra un jour ou l’autre déloger pour permettre le projet de construction d’un gymnase de suivre son calendrier ; de l’autre, la crainte de se voir expulser et d’assister à l’anéantissement de plusieurs années de travail acharné.

En ce début des années 2000, nous sommes aux prémices du développement des jardins partagés parisiens et les autorités locales ne savent pas encore quelle stratégie adopter. Une convention finit par être signée par les deux parties et pose les conditions de survie du jardin : un an plus tard, les lieux devront être libérés et les participants se consacrer à une autre parcelle. Malgré la volonté d’Olivier Pinalie et de ses acolytes de faire avorter le projet d’aménagement, rien n’y fait. Il leur est proposé deux alternatives : profiter du jardin en terrasse installé sur le toit du futur gymnase pour poursuivre leurs activités, ou bien s’implanter dans un espace réservé du Jardin Casque d’Or, un espace vert à proximité. Des espaces trop petits et trop aseptisés pour la communauté, qui refuse les deux offres.

Si ce dénouement est malheureusement prévisible, il met à jour un enjeu essentiel pour les collectivités. La volonté de développer les jardins partagés nécessite de mettre à disposition des terrains municipaux aux habitants volontaires, entente qu’il convient de protéger par des documents juridiques qui établissent clairement les responsabilités de chacun. Pourtant, cette culture de la procédure risque d’étouffer les initiatives spontanées menées par des citoyens qui n’ont pas attendu les encouragements de la Ville pour se lancer dans des projets bénéfiques à tous. Un écueil qui ne peut être évité que si les autorités locales acceptent de se défaire ponctuellement de leur autorité sur l’espace public et tout ce qui s’y déroule.

Itinéraire d’un jardinier

A travers le récit de ce projet, il est passionnant de suivre l’évolution d’Olivier Pinalie qui affine progressivement ses compétences en jardinage. Guidé d’abord par ses souvenirs d’enfance et l’esthétisme des plantes foisonnantes, il étoffe son savoir de ses observations saison après saison. Son investissement est si touchant que l’on comprend la volonté des nouveaux arrivants de se tourner vers lui pour se faire guider à travers cette jungle urbaine qu’on imagine sans limites. Les gravures qui ponctuent l’ouvrage contribuent à nous plonger dans le même état d’esprit de découverte que l’auteur. Seules manquent quelques photos de cet endroit que l’on ne peut aujourd’hui plus visiter.

Ce témoignage a beau être celui d’un lieu de partage et collectif, il en ressort surtout une histoire empreinte de convictions personnelles et de la volonté indéfectible qu’est celle d’Olivier Pinalie. Une manière de confirmer que sans au moins une personne-ressource pour fédérer le reste des participants autour d’une vision commune, il est difficile de parier sur l’émergence d’un projet. Une fois que les bases sont posées, les responsabilités peuvent ensuite être plus équitablement réparties, si les volontaires parviennent bien sûr à travailler en bonne intelligence et refusent de se livrer à une guerre d’égos parfois difficile à éviter.

Chronique d’un jardin solidaire – Une aventure humaine et botanique
Olivier Pinalie, éd. CNT-RP (2016)
12 euros

Comment gère-t-on un jardin partagé au quotidien ? (podcast)

Amandine Vidal, habitante du quartier des Batignolles à Paris, nous raconte comment elle et ses amis se sont emparés d’un terrain vacant de la mairie pour en faire leur jardin partagé. Le Jardin des Coopains réunit au sein d’une même association voisins, passionnés de jardinage, écoles et structures du quartier, et participe au renouveau de la vie du 17e arrondissement parisien.

Présidente de cette association depuis sa création en 2014, Amandine revient sur l’évolution du jardin, l’élaboration d’une démarche solidaire et environnementale autour de ce projet, et les outils de gestion quotidienne qui permettent aux Coopains de cultiver collectivement le terrain.

Entretien :

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Des jardins en pied de logements sociaux

Dans les années 1950-1970, la construction rapide et massive de logements sociaux a donné lieu aux grands ensembles, ces tours aujourd’hui vivement critiquées pour leur insalubrité et l’exclusion sociale qu’elles représentent. L’architecture des résidences a depuis largement évolué, et les quartiers les plus défavorisés font l’objet d’opérations de renouvellement urbain menées par l’État et les collectivités locales. Lorsqu’elles ne sont pas détruites, les tours peuvent être repensées et réaménagées pour devenir des lieux de vie plus agréables.

C’est dans le cadre de cette réhabilitation des grands ensembles – et aussi de résidences plus petites – que les jardins deviennent des outils précieux pour les bailleurs sociaux. À contre-pied de l’image grise et inaccueillante des barres d’immeubles, on voit fleurir des projets de jardins partagés destinés aux habitants et à la vie de quartier. Et c’est parce que les bénéfices sociaux que l’on peut en tirer pour les citadins sont considérables.

Redonner vie aux espaces délaissés

Dans un contexte urbain aussi dense, les jardins ont d’abord une valeur esthétique qui n’est pas à négliger : ils permettent de revaloriser des lieux communs souvent délaissés par les habitants (cours, esplanades…), et encouragent à leur entretien. En confiant aux habitants la responsabilité d’aménager et de cultiver ces jardins, on participe à la réappropriation d’espaces auparavant inanimés. Qu’il s’agisse de parcelles individuelles ou collectives, le jardinage permet également aux voisins de se rencontrer et d’échanger dans un lieu agréable, qui leur appartient.

Quoi de mieux pour créer non seulement du lien social au sein de la résidence, mais aussi une vie de quartier ? Les curieux viennent jeter un œil, on organise des événements festifs et des repas collectifs… Ou, comme dans le quartier de La Villeneuve (Grenoble), une grande fête des moissons pour célébrer la récolte des céréales, comme évoqué lors d’un précédent article.

C’est en jardinant qu’on apprend !

C’est ce pari du collectif que l’association Multi’colors a décidé de relever depuis sa création en 2003. Spécialisée dans la mise en place d’activités pédagogiques autour des jardins situés dans les cités parisiennes, Multi’colors a aménagé 14 espaces verts en faisant participer plus de 900 enfants. L’association a su voir, bien avant les nombreuses commandes des bailleurs sociaux, l’intérêt d’un tel projet : sensibiliser au plus jeune âge les citadins à la nécessité de restaurer la biodiversité en ville et leur permettre de prendre part à l’amélioration de leur cadre de vie. Pour des familles rencontrant des difficultés économiques et sociales, c’est aussi l’occasion de partager les quelques légumes cultivés et familiariser les plus jeunes à leur saisonnalité et leur diversité.

trame-verte-multicolorsEt ces activités pédagogiques profitent à tout le quartier, comme en témoigne le projet de la Trame Verte Multi’colors. Des pots végétalisés sont installés sur les potelets anti-stationnement du quartier Saint-Blaise, dans le 20e arrondissement de Paris, reliant les espaces verts du quartier. Pour peindre ces pots et apporter de belles couleurs à la grisaille du quartier, l’association a fait appel à un collectif d’artistes. Un projet participatif à la fois écologique, social, esthétique et culturel.

Pour des projets pérennes, un accompagnement de terrain est nécessaire

Les bailleurs sociaux font souvent appel aux associations telles que Multi’colors pour porter les projets de jardins partagés, car un bon accompagnement des habitants s’avère indispensable pour pérenniser les aménagements.

L’association Halage, connue pour son expertise dans la mise en place de chantiers d’insertion, s’est récemment vue confier la gestion d’un jardin en pied d’immeuble du bailleur Paris Habitat, dans le quartier de la Porte de Clignancourt à Paris. L’animatrice de ce jardin, Margaux Servans Lessieu, nous explique en quoi consiste le rôle de l’association dans le processus de création du jardin partagé et comment elle travaille à son appropriation par les habitants de la résidence.

Pour impliquer les différents publics, jeunes et moins jeunes, et participer à l’émergence d’une émulation collective, un travail de terrain est donc nécessaire. Et c’est en permettant la prise en main de ces espaces par des associations locales que l’on aboutit à l’inscription de ces projets dans la durée.

Par l’opportunité sociale, pédagogique et culturelle qu’ils représentent, espérons que les jardins en pied de logements sociaux continueront à se développer, impulsés par l’engagement des bailleurs sociaux et des collectivités.

Crédits : Cyril Badet, Multi’colors, Halage