On parle de plus en plus des villes vertes et de leur importance face aux défis environnementaux, sociaux et de santé publique, mais sans jamais en décrire précisément les enjeux. Alors je pense qu’un petit point sur les bénéfices du végétal en ville s’impose : à quoi sert d’aménager plus d’espaces de nature en ville ?
Pour la biodiversité
En Europe, plus de 72% de la population vit en ville. La biodiversité est la première à en pâtir, puisque l’étalement urbain provoque une destruction rapide et massive des ressources naturelles. Il faut donc trouver des moyens pour restaurer la biodiversité, ce qui se fait notamment dans les zones rurales par la protection des espèces vulnérables et des milieux naturels. Mais la ville a elle aussi son rôle à jouer ! Permettre aux espèces de circuler et de s’implanter dans les milieux urbains, c’est déjà participer à la restauration globale de la biodiversité.
Prenons un exemple dont on a beaucoup entendu parler ces dernières années : l’abeille sauvage. 90% des abeilles ne produisent pas de miel, elles vivent en solitaires et sont des pollinisatrices indispensables à l’équilibre des écosystèmes. On observe leur déclin impressionnant depuis les années 1980, à cause de la destruction de leurs habitats et à l’utilisation des pesticides néonicotinoïdes (là-dessus en particulier, voir ce petit article paru dans le Monde il y a quelques mois). Au-delà de la nouvelle législation concernant ces produits, réduire la mortalité des abeilles sauvages passe par la création de conditions favorables à leur accueil en ville. Pour les aider à circuler et limiter les conséquences de la fragmentation de leurs habitats, on aménage ce qu’on appelle des corridors écologiques qui leur permettront de traverser les zones urbaines.
Mettons-nous à la place de l’abeille : a priori, la ville est pour elle un environnement minéral et hostile, où les ressources se font rares. À Londres par exemple :
Mais si on regarde bien, on se rend compte que notre abeille solitaire peut aller d’un point vert à un autre par quelques sauts de puce ! Ce qui lui permet de traverser la ville au lieu de la contourner, et participer à la pollinisation des jolis jardins londoniens. Et c’est le cas pour une bonne partie de la faune, puisque 50% des espèces mobiles sont déjà présentes dans nos villes (oiseaux, insectes volants, etc.).
Ces corridors écologiques qui permettent aux espèces de se déplacer dans la ville et de faire la jonction ville-campagne sont appelées Trames Vertes Urbaines. Elles sont aujourd’hui un outil indispensable à l’échelle nationale pour restaurer la biodiversité et repenser nos plans d’aménagement du territoire.
Pour notre santé
Si les abeilles, les rats, les chauves-souris, les papillons ne sont pas votre tasse de thé, peut-être que vous serez plus sensible aux bénéfices du végétal sur notre bien-être. Vous l’avez sûrement remarqué, les parcs sont les endroits les plus agréables où se réfugier en cas de grosse chaleur. C’est grâce à l’eau relâchée par la végétation dans l’atmosphère qui permet de la rafraîchir, et nous avec. Un autre service bien connu que nous rendent les espaces verts urbains est provoqué par la photosynthèse : l’air est filtré d’une partie de ses substances polluantes et particules fines, donc bien meilleur pour nos poumons.
Ce qui peut paraître plus surprenant, c’est que la présence de végétal en ville a des impacts directs sur notre santé mentale et physique. En 1984, le chercheur Roger S. Ulrich publie un article qui fera date : il montre qu’après une opération chirurgicale, les patients dont la chambre donne sur un espace vert récupèrent plus vite et souffrent de moins de complications que les autres. Depuis ce papier précurseur, de nombreuses études ont suivi. Être régulièrement au contact du végétal réduit le stress et les troubles cardio-vasculaires, respiratoires et attentionnels. Au travail, la vue d’un espace vert augmente les capacités cognitives et l’efficacité.
Les aménageurs de la ville commencent à s’emparer de ces questions pour repenser la place de la nature dans notre quotidien. Ce qui relevait jusqu’à présent de l’esthétique devient une question de santé publique et de bien-être : les immeubles de logements, de bureaux, les espaces publics comprennent de plus en plus d’espaces végétaux. Sans compter que l’aménagement des Trames Vertes Urbaines dont je parlais plus haut favorise les modes de circulation doux (piétons, vélos), qui répondent eux aussi à de grands enjeux de santé publique et d’amélioration du cadre de vie urbain.
Pour plus de cohésion sociale
C’est le positionnement que je défends par mon approche socio-environnementale : des projets écologiques oui, mais surtout s’ils contribuent à construire du lien social entre les citadins. J’ai récemment relu une publication de Val’Hor et Plante&Cité parue en 2014 et portant sur les bienfaits du végétal en ville. Si le sujet vous intéresse, je vous invite à la consulter car elle est de très bonne qualité, elle fait état de la recherche scientifique dans le domaine et synthétise un certain nombre de travaux de recherche menés ces dernières années. Mais j’ai été surprise en tombant sur ce tableau :
D’après cette synthèse, les recherches actuelles ne permettent pas de déterminer si la végétalisation des villes a un réel impact positif sur le lien social. Ce que l’étude manque de préciser, c’est que la très vaste majorité des travaux sur le sujet portent sur les espaces verts. Alors oui, les parcs urbains peuvent être des espaces de sociabilité mais de là à parler de création de lien social, c’est exagéré en effet. Ce qu’il faut observer en revanche ce sont les autres démarches de végétalisation de la ville. Je vous ai parlé dans un précédent article de l’Agrocité, cette ferme urbaine qui contribue non seulement à restaurer la biodiversité mais qui constitue un espace de sociabilité et d’apprentissage pour les habitants de Colombes. C’est la même démarche qui anime les jardins solidaires, partagés, familiaux, pédagogiques, d’entreprises… Toutes ces initiatives sont destinées à produire de la nourriture et permettre à tous de jardiner, mais elles ont aussi un objectif de rencontre entre les usagers, voire de mixité sociale dans certains quartiers. C’est d’ailleurs ce qu’on entend souvent sur le terrain : « on ne se serait jamais rencontrés en-dehors du jardin », que ce soit entre collègues ou entre voisins.
Contribuer à une meilleure harmonie sociale en apportant plus de végétal en ville, les collectivités y voient un intérêt grandissant. L’une des villes françaises les plus avancées en la matière est certainement Lyon, qui propose à ses habitants de participer à la végétalisation de l’espace public en entretenant des micro-implantations florales. Ces interstices creusés en pied d’immeubles – dont la percée dans les trottoirs est prise en charge par la municipalité – sont des espaces de plantation confiés aux citadins. Les habitants de la rue ou du quartier prennent en charge l’entretien de leurs micro-jardins, dans une dynamique collective qui prend toujours plus d’ampleur. On compte aujourd’hui plus de 700 micro-implantations florales à travers la ville ! Le succès de l’initiative de Lyon a transformé la ville et le cadre de vie des citadins.
D’autres exemples de d’initiatives en faveur de la biodiversité et des citadins suivront dans les prochains articles. J’espère en tout cas vous avoir convaincu du bien-fondé de la démarche !
2 réflexions au sujet de « Plus de nature en ville : à quoi ça sert ? »
Informations très intéressantes ! Je suis ravie d’en apprendre plus sur ce sujet à travers ce blog 🙂
Marilou
Les arguments sont intéressants.
J’aime l’idée qu’on ne parle pas simplement de conservation et d’environnement mais aussi des enjeux sociaux qui accompagnent ces initiatives. Ça me paraît extrêmement pertinent, complet. De belles voies à explorer, qui pourraient vraiment profiter à tous.
Ari le Lama