A l’origine de ce projet, un lieu : l’Espace associatif Galibi de Saint-Laurent-du-Maroni, commune de 44 000 habitants. L’association Aprosep, qui fait notamment de l’accompagnement associatif et coordonne et les temps péri-scolaires pour la ville, assure la gestion de ce lieu. L’idée est venue il y a environ un an de tenter une expérience sur l’espace de jardin qui se trouve devant l’espace : un groupe d’une dizaine de volontaires a commencé à imaginer un potager adapté aux conditions climatiques locales qui pourrait constituer un espace d’expérimentation et de démonstration pour enfants et adultes.
Une inspiration précolombienne : le miracle de la terra preta
Floran, paysagiste et professeur d’EPS, et Johan, coordinateur pour Aprosep, ont contribué à impulser une dynamique autour de ce jardin participatif. Ils se sont pour cela inspirés des méthodes précolombiennes d’enrichissement du sol en reproduisant notamment ce que l’on appelle la terra preta. Il s’agit en fait d’amender le sol présent sur place – particulièrement sec dans les régions amazoniennes – grâce à un mélange de charbon, de compost et d’argile. La terra preta a permis aux populations précolombiennes de transformer le sol local très aride et peu productif en une terre fertile qui capte et conserve l’humidité, favorise le développement des bactéries et de la micro-faune et fournit les nutriments nécessaires aux plantes pour grandir et produire. C’est l’abondance des cultures sur ce sol amazonien originairement très pauvre qui a forgé le mythe de l’Eldorado et guidé les expéditions européennes à partir du 16e siècle à la recherche de ces civilisations. La colonisation de la région par les Européens a fait oublier pendant un temps cette pratique, mais la terra preta retrouve son utilité aujourd’hui dans les régions arides du Brésil, du Japon, d’Australie et d’Asie du Sud-Est. La terra preta est également vendue au Brésil de la même façon que du terreau.
Dans le jardin expérimental de Saint-Laurent-du-Maroni, la décision a donc été prise de faire plusieurs buttes de cultures en utilisant différents amendements : une butte « témoin » sans ajout particulier, une butte avec du charbon, des buttes avec de l’argile, de la sciure de bois, des résidus de canne à sucre et une butte avec la totalité de ces matériaux. Pour Floran et Johan, le constat est clair : c’est bien la butte où tous ces éléments ont été mélangés qui a permis de produire le plus de légumes. C’est donc cette terra preta « maison » qui va permettre de cultiver de façon productive sur ce petit jardin.
Adapter son potager aux conditions climatiques
Le climat équatorial de la Guyane garantit des moyennes de températures à peu près stables toute l’année (de 26°C à 33°C) et une alternance de saisons sèches et saisons des pluies. Ces contraintes climatiques ne permettent pas de concevoir un jardin participatif comme on peut le faire en France métropolitaine. Pour s’adapter au mieux aux conditions locales, les jardiniers ont donc fait appel à Kokopelli, association de promotion des semences libres, pour établir une liste de semis possibles : différentes variétés d’ananas, piments, papayes, aubergines, patates douces, giraumons (aussi appelés courges musquées)… Les variétés complémentaires ont été associées sur les buttes pour permettre une meilleure réussite des plantations. De plus, toutes les buttes ont été paillées afin de conserver l’humidité et de résister aux chaleurs extrêmes que peut connaître la Guyane en saison sèche.
Pour reproduire ces méthodes et gérer son potager sans produits phytosanitaires, il existe une série de fiches très bien faites mises à disposition par le réseau Graine de Guyane pour adapter ses méthodes d’agriculture au climat équatorial.
Un jardin aux vertus pédagogiques
Cette façon de concevoir et construire le jardin a pour objectif de mettre en valeur les connaissances et les pratiques locales. L’agriculture Bio a commencé à gagner du terrain en Guyane ces dix dernières années, mais elle reste encore largement minoritaire. L’idée sous-jacente du jardin de Saint-Laurent-du-Maroni est donc aussi de faire un espace de démonstration sans aucun ajout de produits chimiques pour apprendre aux enfants – mais aussi aux adultes – qu’il est possible de cultiver sans intrants, juste en s’adaptant au sol et aux conditions climatiques locales. Durant les temps péri-scolaires, les enfants vont pouvoir jardiner et contribuer à créer cet espace en compagnie de leurs animateurs. Par ailleurs, grâce à un partenariat avec une association locale, un espace de plantes médicinales va bientôt voir le jour dans la seconde partie du jardin. Une belle promesse pour ce groupe d’agriculteurs urbains guyanais !
2 réflexions au sujet de « Association Aprosep : un potager urbain en Guyane »
Un article intéressant d’ethno-écologie sur la Guyane: https://journals.openedition.org/ethnoecologie/2193
Benoit
Merci !
lisa