Isabelle Richard : qu’est-ce que la psychologie environnementale ? (podcast)

La psychologie environnementale est une discipline trop méconnue, qui a pourtant son rôle à jouer dans la résolution de la crise écologique que nous traversons. En se focalisant sur la façon dont les individus perçoivent et agissent sur leur environnement, cette branche de la psychologie est indispensable pour mieux comprendre les pratiques écologiques – ou anti-écologiques – observables dans nos sociétés. Experte de la discipline, Isabelle Richard nous offre plusieurs illustrations de la portée de ses recherches, qui ont permis d’expliquer les mécanismes de réactions comportementales face aux risques d’inondation ou aux nouvelles pratiques de mobilité durable. Lire la suite Isabelle Richard : qu’est-ce que la psychologie environnementale ? (podcast)

Des jardins en pied de logements sociaux

Dans les années 1950-1970, la construction rapide et massive de logements sociaux a donné lieu aux grands ensembles, ces tours aujourd’hui vivement critiquées pour leur insalubrité et l’exclusion sociale qu’elles représentent. L’architecture des résidences a depuis largement évolué, et les quartiers les plus défavorisés font l’objet d’opérations de renouvellement urbain menées par l’État et les collectivités locales. Lorsqu’elles ne sont pas détruites, les tours peuvent être repensées et réaménagées pour devenir des lieux de vie plus agréables.

C’est dans le cadre de cette réhabilitation des grands ensembles – et aussi de résidences plus petites – que les jardins deviennent des outils précieux pour les bailleurs sociaux. À contre-pied de l’image grise et inaccueillante des barres d’immeubles, on voit fleurir des projets de jardins partagés destinés aux habitants et à la vie de quartier. Et c’est parce que les bénéfices sociaux que l’on peut en tirer pour les citadins sont considérables.

Redonner vie aux espaces délaissés

Dans un contexte urbain aussi dense, les jardins ont d’abord une valeur esthétique qui n’est pas à négliger : ils permettent de revaloriser des lieux communs souvent délaissés par les habitants (cours, esplanades…), et encouragent à leur entretien. En confiant aux habitants la responsabilité d’aménager et de cultiver ces jardins, on participe à la réappropriation d’espaces auparavant inanimés. Qu’il s’agisse de parcelles individuelles ou collectives, le jardinage permet également aux voisins de se rencontrer et d’échanger dans un lieu agréable, qui leur appartient.

Quoi de mieux pour créer non seulement du lien social au sein de la résidence, mais aussi une vie de quartier ? Les curieux viennent jeter un œil, on organise des événements festifs et des repas collectifs… Ou, comme dans le quartier de La Villeneuve (Grenoble), une grande fête des moissons pour célébrer la récolte des céréales, comme évoqué lors d’un précédent article.

C’est en jardinant qu’on apprend !

C’est ce pari du collectif que l’association Multi’colors a décidé de relever depuis sa création en 2003. Spécialisée dans la mise en place d’activités pédagogiques autour des jardins situés dans les cités parisiennes, Multi’colors a aménagé 14 espaces verts en faisant participer plus de 900 enfants. L’association a su voir, bien avant les nombreuses commandes des bailleurs sociaux, l’intérêt d’un tel projet : sensibiliser au plus jeune âge les citadins à la nécessité de restaurer la biodiversité en ville et leur permettre de prendre part à l’amélioration de leur cadre de vie. Pour des familles rencontrant des difficultés économiques et sociales, c’est aussi l’occasion de partager les quelques légumes cultivés et familiariser les plus jeunes à leur saisonnalité et leur diversité.

trame-verte-multicolorsEt ces activités pédagogiques profitent à tout le quartier, comme en témoigne le projet de la Trame Verte Multi’colors. Des pots végétalisés sont installés sur les potelets anti-stationnement du quartier Saint-Blaise, dans le 20e arrondissement de Paris, reliant les espaces verts du quartier. Pour peindre ces pots et apporter de belles couleurs à la grisaille du quartier, l’association a fait appel à un collectif d’artistes. Un projet participatif à la fois écologique, social, esthétique et culturel.

Pour des projets pérennes, un accompagnement de terrain est nécessaire

Les bailleurs sociaux font souvent appel aux associations telles que Multi’colors pour porter les projets de jardins partagés, car un bon accompagnement des habitants s’avère indispensable pour pérenniser les aménagements.

L’association Halage, connue pour son expertise dans la mise en place de chantiers d’insertion, s’est récemment vue confier la gestion d’un jardin en pied d’immeuble du bailleur Paris Habitat, dans le quartier de la Porte de Clignancourt à Paris. L’animatrice de ce jardin, Margaux Servans Lessieu, nous explique en quoi consiste le rôle de l’association dans le processus de création du jardin partagé et comment elle travaille à son appropriation par les habitants de la résidence.

Pour impliquer les différents publics, jeunes et moins jeunes, et participer à l’émergence d’une émulation collective, un travail de terrain est donc nécessaire. Et c’est en permettant la prise en main de ces espaces par des associations locales que l’on aboutit à l’inscription de ces projets dans la durée.

Par l’opportunité sociale, pédagogique et culturelle qu’ils représentent, espérons que les jardins en pied de logements sociaux continueront à se développer, impulsés par l’engagement des bailleurs sociaux et des collectivités.

Crédits : Cyril Badet, Multi’colors, Halage

Pour impliquer les usagers, faites-les marcher !

Soucieuses de faire participer les citoyens aux projets d’aménagement qu’elles mettent en place, les collectivités ont de plus en plus recours à la concertation publique. Une méthode qui sollicite les usagers pour décider des grandes orientations du projet, mais qui peine encore à faire venir le plus grand nombre. Une solution se profile : la balade urbaine collective. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, un petit point sur ce qu’est la démarche de concertation et les difficultés qu’elle rencontre.

La concertation, un moyen d’impliquer les usagers dans la fabrique des projets

Lorsqu’une collectivité souhaite mettre en place un projet d’aménagement, il existe plusieurs façons d’interagir avec les usagers de l’espace public concerné. La liste suivante n’est pas exhaustive mais elle permet de comprendre la spécificité de la concertation publique parmi les options les plus couramment utilisées par les décideurs :

  • L’information : On ne peut dans ce cas pas parler de participation, puisque la collectivité ne fait que communiquer des renseignements au public à travers différents médias (site internet, presse, affichages, réunions publiques, etc.). La décision est déjà prise, les modalités sont arrêtées, les citoyens ont simplement accès aux détails du projet avant sa réalisation.

Ex. : « Nous allons végétaliser votre rue, voici les aménagements prévus. »

  • La consultation : Les décideurs cherchent dans ce cas à connaître l’opinion du public. La consultation peut avoir lieu à n’importe quel stade d’avancement du projet et les avis recueillis ne sont pas nécessairement pris en compte pour décider des orientations de l’aménagement.

Ex. : « Nous allons végétaliser votre rue, qu’en pensez-vous ? »

  • La concertation : Dans l’optique de co-construire le projet avec les citoyens, la collectivité met en place un dispositif permettant de recueillir, confronter et prendre en compte les avis des participants pour décider des orientations à venir. C’est en amont du projet que peuvent être mis en place réunions et ateliers qui permettent de débattre des modalités de l’aménagement : il s’agit d’un diagnostic partagé.

Ex. : « Nous envisageons de végétaliser votre rue, aidez-nous en déterminer les modalités. »

La concertation est un outil très utile pour les décideurs, puisqu’elle permet de légitimer le projet auprès du public : inviter les usagers à prendre part aux décisions permet de concevoir le projet en adéquation avec leurs attentes et donc de limiter le risque de contestations une fois l’aménagement réalisé. C’est aussi une belle preuve de transparence pour des institutions souvent qualifées d’opaques. Lorsqu’elle naît d’un véritable souci de prise en compte des suggestions des citoyens et qu’elle se fait suffisamment en amont du projet pour pouvoir le repenser et l’adapter, la concertation fait ses preuves : de nombreuses collectivités ont adopté la démarche et la réinvente à l’aide de nouveaux outils.

Un objectif difficile à mettre en pratique

La concertation consiste le plus souvent à solliciter les usagers pour participer à des réunions publiques et ateliers organisés par la mairie : débats, groupes de travail, cartographie participative… Les collectivités disposent de nombreuses méthodes pour recueillir les idées des citoyens. Selon l’échéance et l’ampleur du projet, les rendez-vous peuvent s’étaler sur plusieurs mois, permettant ainsi à tous les citoyens de participer… en théorie !

La première difficulté est liée ameeting-business-936059_1920u manque de disponibilité d’une grande partie des usagers. Les concertations publiques mobilisent surtout des personnes retraitées et des citoyens déjà engagés dans la vie de quartier. Il est difficile d’impliquer les autres usagers et de les convaincre de se rendre en mairie plusieurs heures, souvent en pleine semaine. Des outils numériques ont été développés pour surmonter ce problème : la Mairie de Paris permet de voter pour les projets et faire ses propositions en ligne, dans le cadre du Budget Participatif annuel par exemple. Mais l’utilisation du numérique est elle aussi discriminante, puisqu’il existe également une disparité sociale d’accès au web et à tous ses outils.

Le second enjeu est finalement le même que dans les salles de classe : tout le monde ne lève pas la main pour donner son avis, et c’est souvent les mêmes personnes qui osent s’exprimer. Le cadre de la réunion publique ou même des ateliers met à l’épreuve les usagers, soucieux d’être intelligibles par les autres participants (y compris les décideurs du projet) et pertinents. Pour certains, le cadre même de la réunion peut être une mise à l’épreuve : comment prendre la parole quand on se sent illégitime ?

Autre problème, et non des moindres : le rôle du citoyen lors des réunions publiques consiste souvent à « répondre » plutôt qu’à « proposer » : alors que la concertation a pour objectif de construire un projet à partir des idées des habitants, ceux-ci se retrouvent surtout dans une situation où ils assistent à l’exposé du projet et y réagissent par des questions ou des contre-propositions. Un frein à la créativité qui est tout de même réduit lorsque sont organisés des groupes de travail en complément des réunions publiques plénières.

Discuter en marchant, la solution ?

La balade urbaine est une méthode déjà employée par plusieurs collectivités engagées dans une démarche de concertation. Elle consiste à se donner une heure de rendez-vous pour parcourir collectivement le lieu du futur projet et ses alentours, et permet à chacun d’évoquer les problèmes rencontrés sur l’espace public et les solutions à imaginer. Le tracé de l’itinéraire est le plus souvent décidé en avance par l’équipe chargée d’animer la balade, qui fournit aussi des questionnaires aux habitants. Ce qui implique un long travail de recueil et d’analyse de tout ce qui s’est dit pendant la marche : la balade urbaine n’est pas forcément la méthode de concertation la plus économe en termes de moyens humains.

ilink-associationMais elle est la plus intéressante pour confronter les points de vue ! D’une part, il n’existe plus le frein discriminant de la réunion où il faut prendre la parole devant des dizaines de personnes et discuter des grandes orientations du projet. Lors de la balade, les interventions sont plus courtes et concrètes : on parle de ce qu’il y a ici et maintenant, et de ce que l’on souhaite y voir à l’avenir. D’autre part, tous les habitants du quartier ne seront peut-être pas au rendez-vous, mais il est plus facile de mobiliser des usagers pour une balade d’une heure que pour une réunion formelle en mairie.

La balade urbaine est aussi le lieu où se croisent les savoirs : ceux des élus et des techniciens avec ceux des citoyens, mais aussi entre les différents usagers de l’espace public. Pour reprendre l’exemple de la rue végétalisée, un automobiliste n’aura pas les mêmes suggestions qu’un cycliste où un parent qui doit pouvoir circuler avec une poussette. En se rendant sur le lieu du projet, on peut confronter les points de vue en visualisant les problèmes et leurs résolutions.

Et dans les faits, ça donne quoi ? Exemple de la rue Kléber à Bordeaux

En 2011, dans le cadre de son vaste projet d’aménagement (Re)Centres, la Ville de Bordeaux a mis en place un dispositif de concertation publique pour repenser une rue souvent encombrée par les voitures : la rue Kléber. La collectivité a organisé de nombreux ateliers, mais également une balade urbaine qui a permis de faire ressortir les usages de la rue et les problématiques à traiter dans le cadre de son réaménagement :

« (…) les habitants racontent : ici un carrefour dangereux, là un ancien café qu’il faudrait pouvoir rouvrir, plus loin une maison en ruine que l’on devrait pouvoir habiter ou un trottoir trop haut pour les poussettes. » (extrait du Livret (Re)Centres)
Avant/après du projet de la rue Kléber
L’avant/après du projet de la rue Kléber
Cette balade urbaine a permis de mettre le doigt sur ce qui était important pour les habitants dans le cadre de ce réaménagement : réinventer une rue à la circulation plus douce et qui laisse de la place à une vie de quartier. C’est en tenant compte de ces désirs que les architectes-urbanistes ont conçu une rue-jardin : la chaussée au tracé sinueux limite la vitesse de circulation des voitures et libère des espaces en pied d’immeuble consacrés au jardinage et à la convivialité.
 
 Un projet inspirant pour les collectivités en recherche de modes de concertation innovants !
Crédits : association îlink, Ville de Bordeaux

Semer des céréales en ville, l’idée qui germe

Des boulangeries à tous les coins de rue, voilà un paysage bien connu des citadins français. Mais on a finalement peu l’occasion de s’interroger sur la provenance des farines utilisées à faire ce pain que nous achetons et qui reste un aliment essentiel de notre culture culinaire. Pas de bonne surprise de ce côté-là : la culture de céréales constitue un immense pan de notre production agro-alimentaire et à ce titre, l’utilisation massive de traitements phytosanitaires reste la norme. Sans compter que les grains destinés à être moulus pour fabriquer la farine sont stockés dans d’immenses silos eux-même tapissés de produits chimiques, pour éviter l’invasion de parasites.

Alors on connaît bien quelques irréductibles qui font le déplacement jusqu’à leur boulangerie Bio fétiche. Mais dans ce cas-là aussi les champs de blé paraissent bien lointains : peu de citadins viennent à s’intéresser aux conditions de production et de fabrication de la farine et du pain. C’est précisément ce qui a poussé quelques porteurs de projets innovants à créer des micro-cultures de céréales dans ville et à imaginer des programmes pédagogiques pour les citadins. On a bien fait venir les potagers sur les toits et les balcons, pourquoi ne pas faire une place aux céréales ?

Ce qui ressort de ces projets, c’est que semer des céréales en ville permet non seulement de dialoguer collectivement sur des sujets souvent éloignés des préoccupations des citadins, mais c’est aussi un moyen de s’engager dans une démarche participative longue et variée. Parce qu’il y a d’abord le semis des graines, puis la culture, la récolte, la fabrication de la farine, et enfin la confection et la cuisson du pain qui deviennent de grands moments de convivialité. Manger un pain 100% local s’avère être une belle source de motivation pour les habitants du quartier.

À La Villeneuve, le blé créateur de cohésion sociale

La Villeneuve est un quartier de Grenoble surtout connu pour avoir été le lieu de violences et d’émeutes importantes. Né d’une vaste opération urbaine des années 1970, ce grand ensemble a isolé des populations socialement vulnérables du reste de la ville et de ses opportunités. Mais malgré tout, les choses bougent ! La Régie de Quartier “La Villeneuve-Village Olympique”, une association destinée à améliorer le cadre de vie des habitants, compte parmi les plus actives en matière de développement durable. Financé par la collectivité, le projet Du Blé au Pain est lancé en 2013 : 400 m² de blé sont semés dans le parc central de la cité. Profitant de cette opportunité pédagogique, trois écoles du quartier ont participé au semis et à la réalisation d’une exposition portant sur l’agriculture et l’alimentation.

Confection et cuisson du pain de La Villeneuve

C’est bien l’objectif principal de la démarche Du Blé au Pain : interpeller les citadins sur les modes de production de notre alimentation en les invitant à observer le long processus de transformation de la graine en farine. Une réflexion qui se veut collective, puisque la récolte des céréales s’accompagne d’une fête des Moissons dans le courant de l’été où sont proposées des démonstrations de fauche traditionnelle et un atelier de cuisine “Pains du monde” autour d’un four à pain mobile. On comprend bien la volonté de la Régie de quartier de faire dialoguer des voisins qui ne se connaissent pas toujours autour de questions susceptibles de les rassembler. Et ça fonctionne : en 2016, la fête des moissons a encore gagné en notoriété.

Graine de Quatorzien : redécouvrir le pain quotidien

Dans le 14ème arrondissement de Paris, l’association Florimont est bien connue : comptant aujourd’hui 11 salariés, elle est à l’origine de nombreux projets dont une ludothèque de quartier, un programme d’assistance aux associations pour la création d’emplois, et apporte un soutien aux habitants dans des domaines divers, y compris l’utilisation des nouvelles technologies. Isabelle Armour, engagée dans l’association depuis près de dix ans, a constaté que les jeunes générations avec lesquelles elle travaillait semblaient accorder peu d’importance à leur alimentation, sa provenance, sa production et ses impacts sur leur santé. Elle a ainsi imaginé et créé le projet Graine de Quatorzien, qui propose de planter des micro-parcelles de céréales (1 m² chacune) partout dans l’arrondissement. Dès la première année en 2015, ce sont 40 sites qui ont bénéficié des graines fournies par Isabelle : jardins publics, privés, écoles, centres d’animation et hôpitaux se sont engagés à semer ces céréales.

Isabelle Armour

Pour Isabelle, il s’agit de sensibiliser les usagers à la diversité des semences et aux céréales méconnues. Se fournissant auprès de Graines de Noé, une association de sauvegarde des céréales paysannes et anciennes, les micro-cultures de Graine de Quatorzien sont très diverses : orge noir, amidonnier, blé rouge, épeautre, quinoa… C’est une surprenante diversité de formes et de couleurs lorsque les céréales arrivent à maturité, loin de l’image aseptisée des champs de blé ruraux. Au-delà de la qualité des cultures, la quantité est aussi au rendez-vous, puisqu’on récolte en moyenne dix fois ce qui a été semé. Un rendement qui n’est pas destiné à nourrir des familles au quotidien, mais qui permet d’animer des ateliers autour de la transformation de la graine en farine et de fabriquer des pains uniques. Isabelle intervient dans les écoles pour faire découvrir aux enfants le travail de meunier et les faire participer aux différentes étapes de fabrication. La Caisse des Écoles de l’arrondissement s’est également emparée de l’occasion pour proposer à la cantine des pains différents lors de la Semaine du Goût. Et parce que Graine de Quatorzien s’inscrit dans une réflexion globale, Isabelle a tenu à impliquer les boulangers du quartier qui partagent leur savoir-faire.

14556707_598134320369911_8726581024026171403_oSemer des céréales en ville permet de rassembler des usagers très divers autour de préoccupations communes et de faire découvrir des modes d’alimentation et de production agricoles alternatifs. Et c’est une démarche facile à mettre en place puisque selon Isabelle, le seul coût de ce projet est la rémunération d’un salarié. En effet, les graines peuvent être données ou troquées et la récolte est très facile sur des petites parcelles.

Je vous encourage à aller constater par vous-mêmes : demain se tiendra le Banquet des Pains au siège de Florimont ! L’occasion de découvrir le projet, de rencontrer du monde et surtout de participer aux nombreux ateliers proposés par l’association. Et vous pouvez même amener une boule de pain, il y aura un four à pain et des boulangers volontaires pour vous le cuire ! Miam.

affiche banquet des pains

Crédits : Séverine Cattiaux et Yuliya Ruzhechka, Place Grenet, Florimont

La métamorphose des villes sans pesticides

Au 1er janvier 2017, les collectivités ne pourront plus utiliser de produits phytosanitaires (aussi appelés pesticides) pour entretenir les espaces verts et la voirie : c’est l’heure du « zéro phyto ». Une vraie révolution des pratiques pour les nombreuses communes qui en ont un usage quotidien dans le cadre de l’entretien de l’espace public. Pourquoi a-t-on besoin d’une telle réglementation, et quelles sont les conséquences de cette mesure pour les habitants ?

Une nouvelle réglementation nécessaire et attendue

La France est le premier pays consommateur de pesticides en Europe et le troisième au niveau mondial, avec près de 80 000 tonnes utilisées par an. Actuellement, c’est plus d’un tiers de la surface du territoire français qui est soumis à un traitement phytosanitaire ! 90% de cette consommation est à incomber au secteur agricole : les produits permettant de lutter contre les nuisibles de l’agriculture (champignons, insectes, “mauvaises herbes”, etc.) se sont rendus indispensables dès leur arrivée sur le marché dans les années 1960. Combinés au bond technologique qu’a connu le secteur à cette période, les produits phytosanitaires ont permis de doubler la productivité des surfaces agricoles. On est alors entré dans un modèle productiviste, basé sur le rendement des parcelles cultivées. Et en matière de maximisation de la productivité des cultures, la France a su se distinguer puisqu’elle est aujourd’hui le premier producteur agricole européen.

Malheureusement, l’utilisation massive de ces produits a des conséquences écologiques graves. Pollution des eaux, de l’air, des sols, mortalité des pollinisateurs, perturbation des modes de reproduction des invertébrés… Et les impacts sur la santé humaine sont également connus : l’OMS considère que 20 000 à 200 000 décès annuels sont dus aux pesticides. Les aliments, l’eau et l’exposition directe sont autant de vecteurs par lesquels nous pouvons être contaminés.

Face à ce constat et aux mises en garde répétées des institutions de santé et de protection de l’environnement, les États ont décidé de prendre des mesures : en France, la réglementation s’est élaborée depuis 2008 avec la mise en place du Plan Ecophyto. Ayant pour objectifs de réduire la consommation nationale de produits phytosanitaires de moitié en dix ans, ce programme a permis de lancer un certain nombre d’expérimentations qui ont montré que, oui, il est possible de produire et de vivre sans pesticides. Et si une grande partie des mesures adoptées visent le secteur agricole, les villes sont elles aussi concernées. La loi Labbé du 6 février 2014 et la loi relative à la transition énergétique du 22 juillet 2015 ont changé la donne : désormais, les communes ont obligation d’adopter une gestion sans pesticides. Ce qui signifie que les équipes techniques en charge de l’entretien de l’espace public doivent repenser et réadapter leurs pratiques et leurs savoir-faire : fini l’épandage de produits, maintenant on défriche à la main et on laisse pousser la végétation spontanée pour des villes plus vertes, et surtout plus saines. Mais cette mesure change radicalement le paysage urbain, dont les massifs fournis et pavés enherbés perturbent les habitants et leur représentation de ce qu’est une ville propre et entretenue.

Nouveaux paysages urbains et acceptabilité sociale

Comme le mentionne un récent article paru dans la revue Sciences & Avenir, l’interdiction d’utiliser des pesticides pour les communes relève d’une révolution technique, mais aussi culturelle. Partout on entend les plaintes des citadins concernant ces rues devenues « sales », « mal entretenues » ou « négligées ». En effet, il peut être difficile pour les habitants de voir leurs quartiers et leurs villes changer d’aspect en quelques mois. Les traditions classiques de jardinage et d’aménagement paysagers sont ancrées dans les perceptions esthétiques des habitants, qui se trouvent souvent désemparés face à ces nouveaux paysages urbains.

Prenons l’exemple d’une rue de centre-ville (ici à Châtenay-Malabry, avant la mise en place du « zéro phyto ») : 

Entre le trottoir et la chaussée, il est commun d’avoir ce type de massifs de fleurs. Ici, ils sont assez homogènes et sans « mauvaises herbes ». Les pieds d’arbres sont eux aussi vides de petites pousses, et on ne voit pas un brin d’herbe sur la chaussée non plus. Les espaces végétaux sont très bien délimités : ils sont créés et aménagés par la main de l’homme uniquement.

Dans les villes sans pesticides en revanche,  la végétation spontanée reprend ses droits et l’espace public s’en trouve radicalement modifié :

On voit bien que les massifs et les pieds d’arbres sont plus divers, accueillant fleurs, arbustes et adventices. Les pavés et les grilles d’évacuation des eaux de pluie sont eux aussi enherbés. La végétation n’est pas uniquement présente là où on l’a plantée et choisie : elle s’installe un peu partout, rendant plus floue la limite entre espaces verts et espaces dédiés à la circulation. Au-delà de l’aspect esthétique, c’est bien un changement culturel qui s’opère pour les habitants, qui acceptent parfois difficilement l’intrusion du végétal dans leurs lieux de vie et de passage.

Sensibiliser par l’action : quelques pistes

Lorsqu’elles mettent en place leur plan « zéro phyto », les collectivités veillent à ce que les habitants en soient informés. Affiches, articles dans la presse locale, communiqués… Mais pour réellement sensibiliser les citadins à la nécessité d’interdire les pesticides, je crois qu’il est nécessaire de leur montrer que cette réglementation peut avoir des impacts positifs sur leur mode de vie. Et pour cela, quoi de mieux que de leur offrir des moyens d’agir et de participer ?

Une étude publiée en février dernier par les laboratoires Profilomic réalisée à partir de l’analyse des ruches de l’Opéra Garnier a montré que le miel produit dans des villes sans pesticides est de meilleure composition que le miel de consommation classique. Aucune trace d’hydrocarbures ou de métaux lourds, et seuls 2 polluants en très faibles quantités sont retrouvés dans le miel parisien, contre 35 polluants différents (en moyenne 5 par pot) et de nombreuses substances antibiotiques du côté des miels de grande consommation, selon une enquête de 60 millions de consommateurs. On entend beaucoup parler du développement des ruches en ville, installées par des entreprises souhaitant verdir leur image, des écoles, des collectivités ou même des habitants. Et si cette tendance était justement l’occasion de sensibiliser les citadins aux bénéfices de la ville sans pesticides ? Proposer la vente directe de miel de ville à un coût raisonnable ou accompagner l’installation de ruches d’entreprise par un programme de sensibilisation des salariés sont autant de moyens d’agir pour l’avancée des mentalités. Des ruchers pédagogiques existent déjà pour éveiller les enfants au rôle écologique essentiel des abeilles, mais compléter ce travail par une démarche s’adressant aux parents souvent soucieux de la qualité de leur alimentation quotidienne est une opportunité à saisir.

Encourager les citadins à se rassembler au sein de programmes de sciences participatives est un autre moyen de les sensibiliser aux bénéfices de la végétalisation spontanée dans les villes. Sauvages de ma Rue est à la fois un projet pédagogique et de recherche élaboré par Tela Botanica et le Muséum National d’Histoire Naturelle. Il est spécifiquement adapté au contexte urbain et s’adresse aux citadins qui souhaitent mieux connaître les espèces végétales présentes dans leurs quartiers. Le principe est simple : grâce à une application smartphone ou un guide papier, chacun identifie les plantes présentes autour de son lieu de vie et alimente les données cartographiées disponibles en ligne. Associant institutions scientifiques, grand public, scolaires et collectivités, ce programme offre de vraies possibilités d’échanges entre les décideurs et les habitants. Et comme il s’agit d’un outil ludique, il permet de sensibiliser plus facilement les participants aux enjeux du « zéro phyto ». Car sans pesticides, on trouve toujours plus de plantes à observer !

Si le « zéro phyto » obligatoire pour toutes les communes présente des difficultés techniques et d’acceptabilité sociale, il faut aussi laisser le temps se faire et les mentalités évoluer. Surtout qu’au 1er janvier 2019, ce sera au tour des particuliers : interdiction d’utiliser ou de détenir des produits phytosanitaires ! Pour les jardiniers amateurs qui ont l’habitude de passer un peu de Roundup, il sera alors indispensable d’apprendre les bases du jardinage écologique et de s’habituer à la métamorphose de leurs jardins.

La résistance végétale de Guérilla Gardening

Devenir acteurs de la ville en la végétalisant, c’est la proposition de Guérilla Gardening. Ces révolutionnaires de l’urbain ont bien des moyens pour se réapproprier l’espace public et contribuer à rendre nos villes plus vertes !

Militer en végétalisant, végétaliser en militant

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Les bombes de graines sont faciles à disperser partout dans la ville

Le mouvement Guérilla Gardening naît dans les Etats-Unis en crise des années 1970 alors que de nombreux immeubles new-yorkais abandonnés par leurs propriétaires sont détruits par la municipalité, laissant de vastes parcelles à l’abandon. Liz Christy, une habitante de Manhattan, propose à ses amis de végétaliser ces espaces délaissés et inoccupés de la ville. Elle a l’idée de confectionner des bombes de graines (seed bombs) à jeter par-dessus les palissades des friches. Les graines prennent, les plantes poussent et se ressèment, transformant l’espace public et le cadre de vie des habitants du quartier. Face au succès de l’initiative, les guérilleros s’installent sur une parcelle de 90 m² pour y jardiner et cultiver leurs propres légumes. Ce sera la naissance du premier jardin communautaire.

Depuis les années 2000, la “green guérilla” connaît une seconde vie en Europe, sous l’impulsion d’une autre icône : le Londonien Richard Reynolds. Souffrant du manque d’espaces verts dans son quartier, il s’est mis en tête de les créer seul avec sa pelle. Le voilà qui plante des tournesols sur des îlots de ronds-points et des choux au pied de son immeuble. Grâce à son blog créé en 2004, il réunit autour de lui une communauté internationale de citadins qui ont envie de renouer avec la terre et d’embellir leurs villes. En France, les actions se sont multipliées à Paris, Rennes, Grenoble, Lyon et Bordeaux : la Guérilla Gardening constitue un vrai levier d’action pour les citadins en quête de végétalisation.

Aux armes, citadins !

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Tag en mousse réalisé par un guérillero jardinier

La filiation révolutionnaire affichée de ce mouvement peut faire sourire : après tout, il ne s’agit que de planter des fleurs et des légumes au pied de son immeuble. Mais le terme de “guérilla” représente d’abord la remise en question d’un ordre établi et la multiplication d’actions spontanées et sporadiques pour s’y opposer. Et c’est bien ce que propose ce mouvement : refusant toute forme d’organisation officielle, de subventions ou de partenaires privés ou publics, Guérilla Gardening est un collectif mouvant, intrinsèquement indépendant, qui valorise les actions individuelles ou en petits groupes. Il invite chaque citadin à se questionner sur la structure de la ville et sa construction, afin de se réapproprier l’espace public et d’y apporter sa signature. Vous voulez prendre les armes ? Guérilla Gardening a tout un arsenal à vous proposer : tags en mousse, bombes de graines, végétalisation du mobilier urbain… Des astuces et des tutoriels sont même disponibles sur leur site.

La démarche est donc illégale : les guérilleros n’attendent pas l’autorisation du propriétaire des lieux pour jardiner dans un espace urbain délaissé, qu’il soit public ou privé. Guérilla Gardening revendique cette liberté de pouvoir verdir n’importe quelle parcelle, et d’y implanter aussi des usages. Car jardiner, ça rassemble : comme en témoigne l’évolution du Jardin Afghan aménagé par les militants parisiens, ce triangle de terre autrefois sans vie est aujourd’hui un espace de rencontre et de sociabilité pour les habitants du quartier Jaurès. Guérilla Gardening contribue par ses projets à sensibiliser les citadins aux enjeux environnementaux de la végétalisation de la ville par l’organisation d’évènements et de rencontres ouverts à tous.

Enfin, la guérilla jardinière se rebelle contre les géants de l’agro-alimentaire. En promouvant les semences légumières locales et adaptées au contexte urbain, le mouvement encourage l’autonomie alimentaire. Comme le propose le célèbre “gangster jardinier” Ron Finley, il est possible de reprendre le contrôle de son alimentation en plantant soi-même ses fruits et légumes dans les espaces vacants de la ville. Cet habitant du quartier populaire de South Central à Los Angeles a initié un mouvement inédit d’agriculture urbaine clandestine, encourageant les jeunes à se soucier de leur alimentation et de sa provenance. Une résistance contre la malbouffe qui a enthousiasmé des porteurs d’initiatives partout dans le monde.

Que penser de la réappropriation de cette démarche par les collectivités ?

En 2015, la mairie de Paris a lancé le Permis de végétaliser : désormais, tout Parisien peut adresser une demande en ligne pour jardiner sur l’espace d’un pied d’arbre ou d’un petit bout de trottoir appartenant à la collectivité. La municipalité s’engage à répondre en moins d’un mois, fournissant même un kit de plantation aux citadins demandeurs. D’autres initiatives de ce genre ont germé dans les grandes villes françaises récemment, comme le Visa vert de Marseille ou la Convention de végétalisation de Strasbourg. Directement inspirées des mouvements citoyens tels que Guérilla Gardening, ces collectivités ont voulu favoriser la démarche de végétalisation de la ville en légalisant les processus d’appropriation de l’espace public.

Le permis de végétaliser offre aux citadins la possibilité de s’approprier l’espace public pour jardiner (ici quai de Valmy, dans le 10e arrondissement)

Mais s’agit-il vraiment de la même démarche ? Le fait même de réglementer les actions citoyennes de végétalisation remet le pouvoir d’aménager la ville entre les mains de la collectivité, et va ainsi à l’encontre des revendications de Guérilla Gardening. La mairie donne la possibilité aux habitants d’intervenir dans la ville, mais toujours sous son autorité.

Alors doit-on s’opposer aux initiatives municipales telles que le Permis de végétaliser ? Chacun se fera son avis, mais je crois que les avancées des grandes villes sur ce sujet sont surtout à encourager. D’une part, le fait d’autoriser l’intervention des habitants dans l’espace public prouve l’évolution des mentalités, y compris des aménageurs professionnels de la ville. De plus en plus ouvertes aux innovations sociales et environnementales initiées par les citadins, les collectivités montrent qu’elles sont prêtes à y accorder une réelle importance et à s’en inspirer. D’autre part, cette volonté des municipalités permet la naissance d’un mouvement de plus grande ampleur : si certains habitants peuvent être freinés par l’aspect illégal des actions de Guérilla Gardening, les propositions telles que le Permis de végétaliser représentent des leviers d’actions plus accessibles, qui permettent d’impliquer tous les publics. Et c’est uniquement par ce biais que l’on pourra sensibiliser largement les citoyens aux enjeux environnementaux que rencontrent les villes.

Enfin, je pense que les actions des collectivités et celles de Guérilla Gardening ne sont pas incompatibles, et même complémentaires : c’est bien au citadin de faire son choix et de déterminer par quel biais il deviendra acteur de la ville durable. L’essentiel est de lui en donner les moyens !

Crédits : Guérilla Gardening, Sain et Naturel

Plus de nature en ville : à quoi ça sert ?

On parle de plus en plus des villes vertes et de leur importance face aux défis environnementaux, sociaux et de santé publique, mais sans jamais en décrire précisément les enjeux. Alors je pense qu’un petit point sur les bénéfices du végétal en ville s’impose : à quoi sert d’aménager plus d’espaces de nature en ville ?

Pour la biodiversité

En Europe, plus de 72% de la population vit en ville. La biodiversité est la première à en pâtir, puisque l’étalement urbain provoque une destruction rapide et massive des ressources naturelles. Il faut donc trouver des moyens pour restaurer la biodiversité, ce qui se fait notamment dans les zones rurales par la protection des espèces vulnérables et des milieux naturels. Mais la ville a elle aussi son rôle à jouer ! Permettre aux espèces de circuler et de s’implanter dans les milieux urbains, c’est déjà participer à la restauration globale de la biodiversité.

Prenons un exemple dont on a beaucoup entendu parler ces dernières années : l’abeille sauvage. 90% des abeilles ne produisent pas de miel, elles vivent en solitaires et sont des pollinisatrices indispensables à l’équilibre des écosystèmes. On observe leur déclin impressionnant depuis les années 1980, à cause de la destruction de leurs habitats et à l’utilisation des pesticides néonicotinoïdes (là-dessus en particulier, voir ce petit article paru dans le Monde il y a quelques mois). Au-delà de la nouvelle législation concernant ces produits, réduire la mortalité des abeilles sauvages passe par la création de conditions favorables à leur accueil en ville. Pour les aider à circuler et limiter les conséquences de la fragmentation de leurs habitats, on aménage ce qu’on appelle des corridors écologiques qui leur permettront de traverser les zones urbaines.

Mettons-nous à la place de l’abeille : a priori, la ville est pour elle un environnement minéral et hostile, où les ressources se font rares. À Londres par exemple :

Londres

Mais si on regarde bien, on se rend compte que notre abeille solitaire peut aller d’un point vert à un autre par quelques sauts de puce ! Ce qui lui permet de traverser la ville au lieu de la contourner, et participer à la pollinisation des jolis jardins londoniens. Et c’est le cas pour une bonne partie de la faune, puisque 50% des espèces mobiles sont déjà présentes dans nos villes (oiseaux, insectes volants, etc.).

Londres corridors écologiques

Ces corridors écologiques qui permettent aux espèces de se déplacer dans la ville et de faire la jonction ville-campagne sont appelées Trames Vertes Urbaines. Elles sont aujourd’hui un outil indispensable à l’échelle nationale pour restaurer la biodiversité et repenser nos plans d’aménagement du territoire.

Pour notre santé

Si les abeilles, les rats, les chauves-souris, les papillons ne sont pas votre tasse de thé, peut-être que vous serez plus sensible aux bénéfices du végétal sur notre bien-être. Vous l’avez sûrement remarqué, les parcs sont les endroits les plus agréables où se réfugier en cas de grosse chaleur. C’est grâce à l’eau relâchée par la végétation dans l’atmosphère qui permet de la rafraîchir, et nous avec. Un autre service bien connu que nous rendent les espaces verts urbains est provoqué par la photosynthèse : l’air est filtré d’une partie de ses substances polluantes et particules fines, donc bien meilleur pour nos poumons.

Ce qui peut paraître plus surprenant, c’est que la présence de végétal en ville a des impacts directs sur notre santé mentale et physique. En 1984, le chercheur Roger S. Ulrich publie un article qui fera date : il montre qu’après une opération chirurgicale, les patients dont la chambre donne sur un espace vert récupèrent plus vite et souffrent de moins de complications que les autres. Depuis ce papier précurseur, de nombreuses études ont suivi. Être régulièrement au contact du végétal réduit le stress et les troubles cardio-vasculaires, respiratoires et attentionnels. Au travail, la vue d’un espace vert augmente les capacités cognitives et l’efficacité.

Les aménageurs de la ville commencent à s’emparer de ces questions pour repenser la place de la nature dans notre quotidien. Ce qui relevait jusqu’à présent de l’esthétique devient une question de santé publique et de bien-être : les immeubles de logements, de bureaux, les espaces publics comprennent de plus en plus d’espaces végétaux. Sans compter que l’aménagement des Trames Vertes Urbaines dont je parlais plus haut favorise les modes de circulation doux (piétons, vélos), qui répondent eux aussi à de grands enjeux de santé publique et d’amélioration du cadre de vie urbain.

Pour plus de cohésion sociale

C’est le positionnement que je défends par mon approche socio-environnementale : des projets écologiques oui, mais surtout s’ils contribuent à construire du lien social entre les citadins. J’ai récemment relu une publication de Val’Hor et Plante&Cité parue en 2014 et portant sur les bienfaits du végétal en ville. Si le sujet vous intéresse, je vous invite à la consulter car elle est de très bonne qualité, elle fait état de la recherche scientifique dans le domaine et synthétise un certain nombre de travaux de recherche menés ces dernières années. Mais j’ai été surprise en tombant sur ce tableau :

D’après cette synthèse, les recherches actuelles ne permettent pas de déterminer si la végétalisation des villes a un réel impact positif sur le lien social. Ce que l’étude manque de préciser, c’est que la très vaste majorité des travaux sur le sujet portent sur les espaces verts. Alors oui, les parcs urbains peuvent être des espaces de sociabilité mais de là à parler de création de lien social, c’est exagéré en effet. Ce qu’il faut observer en revanche ce sont les autres démarches de végétalisation de la ville. Je vous ai parlé dans un précédent article de l’Agrocité, cette ferme urbaine qui contribue non seulement à restaurer la biodiversité mais qui constitue un espace de sociabilité et d’apprentissage pour les habitants de Colombes. C’est la même démarche qui anime les jardins solidaires, partagés, familiaux, pédagogiques, d’entreprises… Toutes ces initiatives sont destinées à produire de la nourriture et permettre à tous de jardiner, mais elles ont aussi un objectif de rencontre entre les usagers, voire de mixité sociale dans certains quartiers. C’est d’ailleurs ce qu’on entend souvent sur le terrain : « on ne se serait jamais rencontrés en-dehors du jardin », que ce soit entre collègues ou entre voisins.

Contribuer à une meilleure harmonie sociale en apportant plus de végétal en ville, les collectivités y voient un intérêt grandissant. L’une des villes françaises les plus avancées en la matière est certainement Lyon, qui propose à ses habitants de participer à la végétalisation de l’espace public en entretenant des micro-implantations florales. Ces interstices creusés en pied d’immeubles – dont la percée dans les trottoirs est prise en charge par la municipalité – mif-lyonsont des espaces de plantation confiés aux citadins. Les habitants de la rue ou du quartier prennent en charge l’entretien de leurs micro-jardins, dans une dynamique collective qui prend toujours plus d’ampleur. On compte aujourd’hui plus de 700 micro-implantations florales à travers la ville ! Le succès de l’initiative de Lyon a transformé la ville et le cadre de vie des citadins.

D’autres exemples de d’initiatives en faveur de la biodiversité et des citadins suivront dans les prochains articles. J’espère en tout cas vous avoir convaincu du bien-fondé de la démarche !